Le régime de Libreville pratique la répression sous une couverture juridique. Après les critiques acerbes des organisations de défense de droits de l’Homme, le pouvoir dictatorial a imaginé de fabriquer des dossiers et d’arrêter massivement des gens, en les présentant devant les tribunaux à ses ordres. Dans sa volonté de museler l’opposition, le régime en place avait institué des tribunaux spéciaux, des juridictions d’exception, et promulgué des lois d’exception.
Yves BRAILLARD
Avec ces outils créés de toute pièce, le pouvoir entendait accentuer la répression. Mais mal lui en a pris ! Les magistrats qui contestaient le népotisme ayant entouré la nomination des responsables de ces entités ont tout fait pour dénoncer le caractère illégitime de celles-ci.
Faute d’avoir de nouveaux marteaux pour cogner sur les opposants, le pouvoir se contente donc des tribunaux habituels, transformés de facto en organismes spécialisés du Parti démocratique gabonais (PDG), au pouvoir. Ce sont ces juridictions, dirigées par des affairistes et d’autres cadres à la recherche du profit, qui se chargent de faire le sale boulot contre tous ceux qui contestent l’imposture d’Ali Bongo et son projet de monarchisation du Gabon.
Opposants et activistes sont régulièrement arrêtés et envoyés en prison. Y séjournent depuis bientôt deux ans: l’ancien ministre Frédéric Massavala Maboumba, l’ancien député Bertrand zibi Abeghe, l’ancien directeur de l’Agence de sécurité et de navigation (Asecna), Pascal Oyougou ainsi que les cyber activistes Landry Amiang et Hervé Mombo Kinga. Ils sont détenus dans des conditions inhumaines.
Contrairement à ce qu’instille le régime, le prisonnier politique n’est pas un privilégié. Sa situation n’est nullement enviable. Leurs cellules sont comme celles des autres détenus. La première impression que l’on a lorsqu’on est emprisonné, même si l’on est du tiers monde, c’est qu’on rentre au moyen-âge. Le pouvoir ne reconnaît pas la qualité de prisonnier politique ; pour les thuriféraires du régime, il n’y a que des criminels, tous les prisonniers sont de droit commun.
EMPRISONNEMENT DES EXPRESSIONS LIBRES. Pourtant, à l’intérieur des prisons, le pouvoir fait une discrimination entre les véritables criminels de droit commun, coupables de vols et de meurtres, et les prisonniers politiques soumis à un régime à part, une situation moins favorable. Ils sont isolés et n’ont pas le droit de communiquer, pas de droit à l’information. De grandes pressions sont exercées sur eux, y compris les sévices corporels qui sont courants, admis sans aucune possibilité de protester, ou de se plaindre à une quelconque autorité.

La sinistre prison centrale de Libreville, théâtre de multiples violations des droits de l’homme.
C’est ce qui favorise souvent des mutineries. L’année dernière, il y a eu une tentative d’évasion isolée de la prison centrale de Libreville. Quelques détenus sont même arrivés jusqu’au mur, mais ils avaient échoué. Ils sont retournés se réfugier dans les cellules qu’ils avaient quittées auparavant. La répression s’est exercée sans discernement. Plusieurs détenus sont morts criblé de balles à l’insu de leurs familles respectives.
Après que le calme soit revenu dans la prison, les services de sécurité ont extrait des prisonniers comme les anciens ministres Etienne Dieudonné Ngoubou et Magloire de leurs cellules pour les molester devant tout le monde, les soupçonnant d’avoir organisé une révolte. Une source proche de la prison centrale de Libreville fait état des exécutions extrajudiciaires par les services de sécurité, notamment les célèbres bérets rouges, un corps militaire connu pour son sadisme.
Les détenus de droit commun, même si leur situation n’est pas enviable, sont quand parfois logés à une meilleure enseigne que celle des détenus politiques. Déjà, la situation dans les prisons est très mauvaise sur tous les plans : matériel, l’isolement, il y a des textes juridiques qui régissent les prisons gabonaises, bien sûr, mais qui ne sont jamais appliqués. Les détenus n’ont aucun droit de communication avec l’extérieur, ils n’ont pas le droit à l’information, ni aux journaux, ni la télévision mais ce qu’il y a de plus grave en réalité ce sont les graves dépassements qui ont eu lieu et dont l’opinion commence à prendre connaissance.

Les détenus dorment entassés.
Les autorités ne sont pas sensibles aux pressions internes lorsqu’elles existent, mais par contre, à chaque fois qu’il y a un bruit qui court à la prison selon lequel la Croix Rouge ou une organisation non gouvernementale peut venir visiter la prison, les conditions de détention s’améliorent brusquement pour quelques jours. Il est d’ailleurs à craindre que dans les pays occidentaux, les gouvernements prennent pour argent comptant les déclarations et les discours charmeurs du tyran qui parle bien mais n’agit pas beaucoup.
Le recours systématique à l’emprisonnement des expressions libres est également une anticipation sur l’inévitable retour de la combativité sociale et civique des Gabonais. Le retour de notre pays à l’ère des détenus d’opinion est une complication est le signe patent de la pratique de l’arbitraire sous le second mandat usurpé d’Ali Bongo. Les dégâts sur l’image pays vont à grande allure au moment où le Gabon est en train de passer de République en monarchie.