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Depuis 50 ans, le Gabon est dirigé par une famille, celle d’Omar Bongo, qui a tenu les rênes du pays 42 ans durant. Son successeur de fils, Ali Bongo, tente de perpétuer la dynastie. Mais son mode de gouvernance et les voies utilisées ne garantissent pas la perpétuation du système clanique. Le décor apocalyptique n’a pas changé.

Jonas MOULENDA 

MALGRÉ les manœuvres orchestrées par Ali Bongo pour se maintenir au pays et passer ensuite le témoin à son rejeton, Nourredin Bongo, le règne de sa famille tire inexorablement à sa fin. Depuis le putsch militaro électoral du 31 août 2016, le navire Bongo est au creux de la vague et vogue droit vers un rocher à même de le désintégrer.

La nomination,  le 5 décembre dernier, de son fils au poste de coordinateur général des affaires présidentielles,  apparaît comme un fardeau de plus dans un bateau déjà surchargé. La vie quotidienne au Gabon est pleine de problèmes concrets qui ont déjà transformé l’existence des Gabonais en un enfer terrestre. Ces difficultés existentielles sont beaucoup plus pressantes pour les masses que la révision constitutionnelle dont la finalité n’est que le maintien au pouvoir d’un homme et sa famille qui ont considérablement ruiné le pays.

Il y a le chômage énorme, la nécessité de protéger des communautés d’être chassées de leurs terres par des rastaquouères; l’infrastructure qui empêche que les quartiers populaires soient inondés lors des pluies, le manque d’approvisionnement en eau et en électricité, manque d’hôpitaux, de soins de santé, etc. Or, les débats autour de ces problèmes sont effacés par le clan mafieux au pouvoir en faveur d’une atmosphère de campagne de légitimation d’un homme qui a pourtant été copieusement battu à l’élection présidentielle du 27 août 2016.

Les Gabonais réservent un tapis d’épines à Nourredin Bongo.

METHODE FORTE. Une frange de cadres corrompus se prépare activement à participer à accompagner Ali Bongo dans son projet de succession dynastique mais le peuple désabusé n’y semble pas disposé. Tout comme l’opposant Jean Ping, le vrai vainqueur de l’élection présidentielle du 27 août 2016, qui n’a pas reculé. Il continue à taper sur le même clou, exigeant le respect de la souveraineté du peuple gabonais exprimé dans les urnes lors du scrutin présidentiel qu’il a démocratiquement remporté.

De nombreux analystes pensent que les Gabonais répondront massivement au seul appel de la misère dans laquelle l’oligarchie en place les précipite chaque jour. « Lorsque le pays sera en situation de cessation de paiement, plus personne n’osera rester calme. Les gens investiront la rue pour faire partir Ali Bongo et son clan qui ont ruiné le pays. Les militaires rejoindront le peuple », prédit un membre de la société civile.

Le peuple gabonais se révoltera donc s’il ne voit pas d’issue à la crise, à la faim et à la misère. Ali Bongo peut continuer à piller le Gabon avec son gang, mais contrairement à son père, il ne restera pas plus d’une décennie au pouvoir. Mieux, il ne réussira pas facilement  à imposer son fils Nourredin à la tête du pays.

Le comportement du dictateur gabonais est comparable aux météorites qui, après l’épuisement des ressources qu’elles sont venus exploiter, laissent derrière elles de grands trous vides sans que l’environnement ait tiré le moindre bénéfice. Les explosions de colère populaire reflètent combien le peuple gabonais en a marre de cette situation de misère dans laquelle son régime l’a plongé.

Sylvia Bongo qui encourage son époux à une succession dynastique ne rend pas service à leur fils.

USURE DU POUVOIR. Conscient des dégâts de sa politique, Ali Bongo opte pour une succession dynastique afin d’éviter d’éventuelles représailles. C’est ainsi qu’il prépare déjà son fils Nourredin pour lui succéder à la tête du pays. Mais cette transmission dynastique du pouvoir risque de faire chavirer le navire des Bongo, car même des membres du sérail présidentiel n’y sont pas favorables. Si l’alternance à la tête de l’État signifie un changement d’une personne pour la remplacer par une autre personne de la même famille, les Gabonais seront fondés de se soulever pour détruire tout le système clanique.

Sur quoi Ali Bongo compte-t-il alors pour réussir à imposer son fils à la tête du Gabon? Quelles que soient les qualités d’un certain nombre de chefs d’Etat, à un moment donné, il y a l’usure du pouvoir. Mobutu au Congo, Ben Ali en Tunisie ou Moubarak en Egypte en sont une parfaite illustration. Tous ont été pendant plusieurs décennies des alliés majeurs des puissances occidentales et de leurs intérêts économiques. Mais tous sont arrivés au point de rupture, où ils n’étaient plus capables de contrôler leur peuple et gérer leur pays au seul profit des multinationales et des intérêts géostratégiques occidentaux. Tous ont dû partir.

C’est qu’Ali Bongo ignore c’est que les gouvernements occidentaux ont développé des stratégies pour gérer la colère des peuples et en même temps accompagner la relève de leur personnel politique en Afrique. Les dirigeants peuvent changer, mais leur politique pro-occidentale doit continuer. Nous avons vu comment les Etats-Unis et l’Europe ont essayé d’accompagner le printemps arabe en Egypte, Libye et la Syrie. Et quand on voit que le Président et le gouvernement de transition au Burkina sont composés effectivement d’anciens hommes de main de Compaoré et d’hommes politiques pro-Occident, on peut être sûr que le combat du peuple gabonais n’est pas perdu.