Le despote veut régner sur le Gabon même après sa mort. Cela peut paraître incroyable, mais c’est ainsi que fonctionne ce tyran. Il considère le pouvoir comme un butin de guerre acquis à jamais et transmissible aux seuls membres de la sa famille qui seront chargés d’immortaliser la dynastie pour les décennies à venir.
Jonas MOULENDA
Ce qui n’était qu’une rumeur est en passe de devenir une réalité : Ali Bongo veut devenir roi du Gabon à vie. Depuis lors, il bloque les conditions d’une alternative démocratique. Avec la perspective de la transmission du pouvoir à son fils Nourredin Bongo, le Gabon sort de la République pour entrer dans la monarchie privée.
Après avoir organisé le siphonage des fonds publics, le tyran veut être le premier roi du Gabon. Un roi que rien n’autorisait à s’ériger en dynastie régnante sur une terre libérée par le sang de vaillants patriotes. Il sera sans ascendance et qui, faute de pouvoir léguer un royaume, vont léguer une République. Pour lui, l’essentiel est que le pouvoir reste concentré entre les mêmes mains.
Il tient en otage un pays, maquillé en fausse république, et ne compte pas le lâcher. Comme tous les autocrates, il considère le pouvoir comme un butin de guerre que l’on a conquis en mettant sa tête sur le billot. Pour lui, le pouvoir ne se restitue pas. En modifiant la constitution, l’année dernière, il a pavé le chemin à l’héritier disponible, son fils Nourredin, catapulté le 5 décembre dernier au poste de coordonnateur général des affaires présidentielles.
Ses visées royales ne datent pas d’aujourd’hui. En 1984, alors qu’il n’avait que 25 ans, ses amis et lui avaient proposé à Omar Bongo d’ériger le Gabon en royaume pour qu’il en devienne le prince héritier. L’ancien président avait soumis ce projet au peuple à travers une tournée républicaine. Il y avait renoncé un extrémis devant la farouche opposition de certains cadres tels que Marcel Eloi Chambrier, Paul Malekou, Raphaël Mamiaka et tutti quanti.

C’est depuis son jeune âge qu’Ali Bongo nourrissait le rêve de devenir roi.
Trente-cinq après, Ali Bongo remet le projet sur le tapis. Il prépare une succession dynastique. C’est ce que voulait faire Hosni Moubarak avec son fils Gamal, et Ben Ali qui viola deux fois la constitution. C’était le même scénario préparé par Saddam Hussein avec son fils aîné, le tristement célèbre Oddei qui lui aurait succédé s’il n’y avait eu l’invasion américaine ; Hafez El Assad fit la même chose avec son rejeton Bashar. Kadhafi s’apprêtait à marcher dans leur sillage avec son fils Seif-El-Islam.
IMPENITENT MANDARIN. Ali Bongo estime que le pouvoir appartient aux triomphateurs, aux conquérants et pas au peuple. Dans son entendement, il ne s’obtient pas par les élections, mais s’arrache par la force. Dans son ciboulot, le peuple ne fait pas partie des triomphateurs et des conquérants. Ce n’est qu’une foule à qui une élite a offert l’indépendance. Pourquoi exigerait-elle aujourd’hui le droit de donner son avis ?
Il avait déjà dévoilé le vrai fond de sa pensée lors d’une interview donnée en 2016 à la presse américaine. Il avait déclamé sur un ton méprisant: « On ne m’ appellera jamais l’ancien président du Gabon. » Ali Bongo, impénitent mandarin qui n’a évolué que dans la cour de l’intrigue, une créature du clan putschiste, ne croit pas au pouvoir du peuple, seulement au pouvoir des armes. La seconde raison pour laquelle il ne rendra pas le pouvoir est qu’il considère que le Gabon est un bien familial.
En 2009, il est arrivé au pouvoir non pas en tant qu’élu de la nation mais en tant qu’héritier, monarque établi dans son droit successoral. Et qui va léguer la République à, son tour, à sa descendance. D’où l’importance pour le peuple gabonais de faire échec au projet qu’ils mijotent avec d’autres thuriféraires du régime. Si le Gabon devient une monarchie, alors les Gabonais n’auront eu que ce qu’ils méritent.

Les Gabonais doivent se mobiliser pour faire échec au projet de monarchisation de leur pays.
Ali Bongo n’est pas tombé du ciel, mais est le produit d’un système et a été appelé par certains décideurs qui broutent déjà les pissenlits par la racine. La rente est appropriée par une couche sociale composée de plusieurs clans ou secte et distribuée d’une manière inégale à d’autres couches sociales représentant la majorité des Gabonais. Ces derniers en retour acceptent leur sort de clients sans broncher et ne pensent pas à la révolution. Si le système rentier n’est pas détruit, tout gus qui a l’appui des décideurs ne fera que veiller à la pérennité du système.
ABSOLUTISME. Le système produit, dans le même mouvement, les patrons, les couches rentières, et les clients – les couches sociales qui reçoivent des miettes de rente – et ces deux couches sociales représentent la majorité des Gabonais. Comment voulez-vous alors que le système ne puisse pas perdurer? Seul solution: un choc externe ou un. Le reste, tout le reste n’est que pures palabres pour niais invétérés
Le Gabon franchit une phase des plus scabreuses, conséquence d’une gérance sans repère, infligée par ceux que le peuple ne cesse de vomir depuis plusieurs années déjà. Les oiseuses réformes qu’ont endossées les institutions sur tous les plans, ne se sont avérées que poudre aux yeux comme pour berner ce crédule peuple qui continue d’essuyer un pouvoir unique en matière d’absolutisme. Les précédents mandats de tous ceux qui ont manié l’infaillible machine de la fraude pour s’étendre perpétuellement sur le strapontin de la royauté, indiquent clairement que l’appétit de régner sans partage prime sur tous les intérêts nationaux.