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L’avenir politique du despote gabonais pourrait bientôt se jouer devant la Cour pénale internationale (CPI). Après le passage d’une mission de cette juridiction le 20 juin dernier aux fins de s’informer sur le massacre des civils perpétré par le régime dictatorial au soir de l’élection présidentielle du 27 août 2016, une enquête et une inculpation du despote sont inévitables. Sentant l’étau se resserrer sur lui, l’imposteur a tout fait de rencontrer la procureure de la CPI à New York pour tenter d’attirer sa clémence.

Jonas MOULENDA

LES grosses grappes de nimbostratus qui s’amoncèlent au-dessus du Gabon ne sont pas un bon présage pour Ali Bongo. Il pourrait être épinglé pour son rôle d’instigateur principal des crimes contre l’humanité perpétré par les forces de sécurité et de défense au soir de l’élection présidentielle d’août 2016.

C’est pour tenter d’échapper aux poursuites judiciaires qui pèsent sur lui que le despote gabonais a tenté de rencontrer le procureur de la Cour Pénale internationale, Fatou Bensouda, en marge de la 72è session de l’Assemblée générale de l’Onu, à New York. Une photo le présentant avec l’autorité judiciaire internationale a été diffusée jeudi sur les réseaux sociaux.

De toute évidence, il s’agit d’une opération de communication qui lui a été conseillée par les thuriféraires du régime dans le but de susciter un découragement dans les rangs de l’opposition où on considère le levier de la justice internationale comme le dernier rempart contre une dictature devenue féroce au fil des ans. Sur la fameuse photo, Ali Bongo affiche un faux sourire qui pourrait faire penser que les discussions entre Fatou Bensouda ont été fructueuses et qu’il n’a rien à craindre.

Pourtant, il n’en fut rien. Le dictateur gabonais à cette propension à jouer avec le moral des Gabonais. Mais à l’heure de s’expliquer, aura-t-il le même plaisir prométhéen que les rois de jouer avec les humeurs des juges ? En réalité, le despote gabonais aura du mal à se disculper, même s’il a une certaine habileté à éviter les chausse-trappes de l’histoire.

Les preuves contre lui sont accablantes et têtues. Plusieurs centaines de civils ont été massacrés par l’armée et les escadrons de la mort les heures qui ont suivi le hold-up électoral perpétré par le tyran pour se maintenir au pouvoir, après sa débâcle électorale. Le rapport établi par la société civile ainsi que les témoignages des parents des victimes sont patents, et confirment la thèse que le pouvoir a ordonné l’exécution sommaire de centaines de citoyens.

Des centaines de Gabonais ont été massacrés au soir de l’élection présidentielle.

TEMOIGNAGES IRREFUTABLES. Le pouvoir a fait massacrer des jeunes gens qui étaient censés jouir du même droit de protection de la vie que tout autre citoyen gabonais. Il est d’ailleurs rageant d’entendre, de la bouche de certains sicaires du régime, que ces citoyens ont été massacrés parce qu’ils auraient troublé l’ordre public. Que dire alors de la présomption d’innocente garantie par la loi gabonaise ?

L’ordre d’extermination des manifestants venait de la présidence de la République. A ce jour, personne n’a démenti cette déclaration qui demeure vivante dans nos esprits, au risque de provoquer une importante inquiétude, à propos de la sécurité nationale, déjà fragilisée, par l’usage et la culture de la gâchette facile et de l’empoisonnement ciblé de certains cadres habiles ou intellectuels gênants.

L’opposition gabonaise et la société civile estiment qu’il est hors de question d’amnistier Ali Bongo et qu’il doit être déféré devant la CPI ! Il doit y être entendu d’abord en sa qualité de chef suprême des forces armées de la République gabonaise. Les crimes commis par les militaires ont eu lieu dans le cadre de l’exécution de ses instructions de rétablir l’ordre public troublé.

La société civile a déposé son rapport documenté et détaillé sur la mort des centaines de jeunes, victimes, selon elle, de graves bévues et violations d’envergure lors d’une grande opération commando menée par la Garde républicaine (GR), le corps de l’armée chargée de la sécurité du président de la République. Cette opération a eu lieu dans la nuit du 31 décembre. Elle a été marquée par le bombardement du quartier général de l’opposant Jean Ping où plusieurs personnes ont trouvé la mort.

Depuis, d’autres rapports sont présentés, à un rythme infernal émanant de plusieurs sources indépendantes bénéficiant d’ailleurs, des témoignages irréfutables des parents des victimes, en désarroi. Ces derniers, le moindre doute, mettent en exergue, les fautes et dérapages cruels, commis volontairement par les militaires et miliciens du régime, sous le commandement d’Ali Bongo.

S’il est peut-être vrai que l’opération avait pour but essentiel de rétablir l’ordre public, mais qu’a fait le gouvernement dans la période en amont pour éviter des dérapages, gouverner étant prévoir ? L’Etat gabonais a instrumentalisé l’armée pour abattre les opposants. Les militaires et policiers sont déjà des alliés naturels du régime dictatorial piloté par Ali Bongo.

CONTRE-FEUX. On se rappellera en passant, que ce même mode opératoire avait déjà été utilisé, sans état d’âme, dans le massacre des civils au plus fort de la contestation du premier hold-up électoral d’Ali Bongo en septembre 2009 à Port-Gentil, la capitale économique, du reste, traditionnel bastion de l’opposition. Et le commanditaire de cette opération macabres fut le despote lui-même, qui bénéficiait de l’allégeance de l’armée parce que ministre de la Défense nationale et candidat à la présidence de la République.

En tout état de cause, le massacre des civils au soir de la dernière élection est en fin de compte, un simple mode opératoire criminel, qui devrait être sanctionné. Il en appelle à la suspension préventive des dirigeants des forces de sécurité et de défense, pour s’être soumis d’exécution d’ordres impertinents, et qui portent gravement atteinte, à la dignité de l’être humain et des prescrits de la loi, qui établissent, sans aucune discrimination, l’égalité de tous les citoyens gabonais.

La justice gabonaise étant défaillante, il serait indiqué que la juridiction internationale évalue l’ampleur des massacres et pour indiquer, par ailleurs, l’endroit où ces différents cadavres furent ensevelis ; ainsi les familles des disparus pourraient enfin faire le deuil des leurs. Les contre-feux allumé par Ali Bongo et ses comparses, tous habités par une intelligence trop émotionnelle, ne sont que des gesticulations du diable dans un bénitier.