Matins d'Afrique

Gabon: commerce d’organes et d’eau des morts dans certaines morgues

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Dans les maisons de conservation et de traitement des corps, il se passe des choses qui, au-delà des mots pour les exprimer, restent inimaginables. Non seulement les légistes traitent trop souvent les morts comme le feraient des bouchers, mais aussi se livrent à de nombreuses magouilles telles que la vente de l’eau des morts et le trafic de certaines parties du corps. 

Marcia GUIKOMOU

LES pratiques mafieuses dans les morgues du Gabon ne datent pas d’aujourd’hui, mais elles y ont pris de l’ampleur ces dernières années avec la paupérisation galopante. Dans leur désir d’amasser de l’argent, des légistes se livrent souvent au prélèvent de certaines parties du corps et à la vente de l’eau de toilette des morts.

Selon nos informations, les employés des morgues feraient ces pratiques inhumaines sur les corps des accidentés, des personnes présentées comme puissantes spirituellement et des indigents. « Ils reçoivent souvent des commandes de la part de certains féticheurs ou des hommes politiques. S’il s’agit des yeux, ils profitent de les prélever sur des corps amochés des victimes d’un accident de la route par exemple. Après le prélèvement des yeux, ils mettent une colle pour sceller les paupières afin de ne pas attirer l’attention des parents du disparu », explique une source proche d’une maison des pompes funèbres.  

Les morgues ne sont pas exemptés de tout soupçon

D’après nos informations, les yeux sont souvent utilisés par les féticheurs pour fabriquer des amulettes destinés à provoquer des troubles de vue chez les électeurs lors des scrutins. Ces troubles amèneraient à voter incidemment même pour la personne qu’ils repoussent. Certains légistes prélèvent d’autres parties du corps. C’est ainsi qu’on retrouve des entailles sur des morts conservés dans certaines morgues du pays.

COMMERCE FLORISSANT. Un scandale a éclaté en 2014 à Oyem, le chef-lieu de la province du Woleu-Ntem (nord du Gabon). Cette année, des proches d’un policier décédé des suites d’une maladie ont découvert une large entaille sur sa tête, alors que le défunt n’avait aucune blessure sur la tête au moment de sa mort. Ce sont des employés de la maison des pompes funèbres Gabosep Oyem qui ont prélevé une partie de la peau de la tête du policier, après avoir reçu une commande d’une grosse légume du coin.

Il se passe des choses terribles dans certaines morgues gabonaises.

Les parents du défunt, intrigués, ont saisi le parquet de la République d’Oyem. L’enquête ouverte par l’antenne provinciale de la Police judiciaire (PJ) a permis de mettre la main sur deux hommes dont un qui était d’abord en service à Gabosep Libreville et qui venait d’être muté à Oyem. « Ils ont reconnu les faits qui leur sont reprochés. Le procureur de la République et le juge d’instruction les ont placés sous mandat de dépôt », relève un officier de police judiciaire, chargé de l’enquête.

Outre les yeux et certaines parties du corps qui font partie des produits d’un commerçant florissant, les employés des morgues procèdent souvent au prélèvement des cheveux. Les plus prisés sont ceux des Blancs. A en croire nos sources, ils serviraient à fabriquer les fétiches destinés à attirer la chance. « Le Gabon est une terre des croyances. Les gens ont beaucoup recours aux fétiches. Les personnes avides de promotion, par exemple, vont souvent voir des féticheurs. Parmi les ingrédients que ces derniers utilisent, il y a les cheveux des Blancs. Les femmes qui cherchent les mariages avec les hommes de cette race utilisent des gris-gris à base des cheveux des Blancs morts », explique une sommité spirituelle basée à Bikélé, dans la banlieue de Libreville.  

Plusieurs manœuvres mafieuses des morgues passent parfois sous silence à travers le pays. Parfois, ce ne sont que des corps mutilés qui se trouvent dans les cercueils après leur traitement. Dans certaines morgues, on réserve un étrange traitement aux cadavres. Parfois, il est des corps qui disparaissent totalement de la chambre froide. Lorsque les proches du défunt veulent voir le corps, le personnel de la morgue leur répond qu’il ne le retrouve plus, avant d’annoncer qu’il a été enterré à la place de quelqu’un d’autre.

THANATROPRACTEURS PROTEGES. Parfois, on retrouve des corps abîmés. Mais pour quelle raison ? Cela reste un mystère. Pis, il est des brancardiers qui violent des cadavres de femmes à la morgue. Dans les cas où il y a des entailles, on interdit à des familles de voir les corps en leur présentant un cercueil déjà scellé. Suite à l’autopsie, certains corps ne sont parfois pas recousus. On retrouve la tête  posée entre ses jambes et les organes en vrac mis dans un sac-poubelle jeté dans le cercueil.

Les morts n’ont pas le repos mérité dans certaines morgues.

D’après certains témoignages, des organes sont parfois prélevés sur les corps, des personnes SDF sont conservées, des membres de cadavres sont éparpillés dans d’autres cercueils,  afin de récupérer des cercueils pour les revendre. « Le respect dû au mort a foutu le camp dans notre pays. On traite certains morts comme des animaux. C’est pour cette raison que certaines personnes averties laissent parfois des testaments interdisant le séjour et le traitement de leurs dépouilles dans les morgues », se désole un père de famille.

Outre les pratiques mafieuses, les employés des morgues font parfois preuve d’une grande négligence dans leur travail. C’est ainsi qu’ils manquent parfois de vigilance lors de l’identification des dépouilles. Récemment, ce sont les cadavres de deux hommes qui ont été échangés à dans une morgue. L’un devait être mis en terre à Libreville  et l’autre à Koula-Moutou, le chef-lieu de la province de l’Ogooué-Lolo (sud-est).

Les corps ont été confondus à la morgue, mais les responsables de celle-ci n’ont argué d’une erreur, protégeant les thanatopracteurs à l’origine de ce désagrément. Le corps enterré à Koula-Moutou fut exhumé quelques jours plus tard, avant d’être ramené à sa destination initiale.  Toutes ces affaires pourraient, à la rigueur, sembler anodines. Mais, quand on entend la succession d’événements qui ont permis de les étouffer, on reste perplexe.

Il est rageant de constater que finalement, dans notre pays, on met qui ont veut dans un cercueil, sous n’importe quel nom. Avec n’importe quels « morceaux » de corps, y compris des enfants, jetés dans le tas. Et de voir des corps qui arrivent en état dans les morgues, se dégradent et se retrouvés mutilés sans que les auteurs de ces actes horrifiants n’en soient inquiétés. 

 

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