Ma chère Julia,
Je suis en voyage depuis la semaine dernière. C’est pourquoi je t’écris pour te dire ce que j’ai sur le cœur. Quand je serai rentré, je pourrai t’inviter même au restaurant pour te parler de vive voix afin d’éviter des malentendus. «Les pierres qu’on lance crèvent les yeux », disait mon grand-père.
Voici deux mois déjà que tu es partie de chez Bertrand, le père de ta fille, chez qui tu vivais depuis six ans. Quand tu as déménagé avec armes et bagages, tu as justifié ta décision par le fait qu’il te faisait subir des avanies sous son toit et que tu n’en pouvais plus. Tout le monde t’a comprise dans une large mesure. «On doit respecter le mariage tant qu’il n’est pas un enfer et le dissoudre quand il devient un purgatoire », disait mon aïeul.
Tu viens de quitter aussi Joseph, l’homme avec lequel tu t’es mise après t’être séparée de Bertrand. Tu auras donc quitté deux hommes en l’espace de deux mois! La raison que tu avances est qu’il est comme son prédécesseur. Mais ce n’est pas vrai, Julia ! C’est plutôt toi qui ne sais pas tenir un foyer. Mon papy disait: « Qui ne sait pas danser accuse les flûtes et les tambours.» Au fait, qu’est-ce qui se passe dans ta tête ? As-tu décidé de faire désormais du papillonnage sentimental ?
Dans tous les récits que tu fais à tes interlocuteurs, tu ne jettes le tort que sur tes ex-compagnons. Es-tu sûre que tu n’es pas responsable des échecs de tes relations amoureuses ? Mon grand-père disait : « Si tu regardes une image très laide, vérifie qu’elle ne soit pas ton reflet. » Toi-même tu peux être à l’origine des déconvenues que tu enregistres dans ta vie amoureuse. Quelles que soient les raisons que tu peux avancer pour justifier ton instabilité sentimentale, tu ne peux pas dire que seuls tes partenaires sont fautifs, Julia.
Au lieu de passer ton temps à aller de foyer en foyer, tu gagnerais donc à réviser ton comportement. Tes partenaires te reprochent les mêmes choses. En fait, les choses que tu faisais chez Bertrand, tu les refaisais chez Joseph. Cela se comprend. Mon aïeul disait: « Le tigre se déplace avec ses taches.» J’ai eu l’occasion de rencontrer, tour à tour, tes ex-compagnons; les deux te reprochent une vie libérale. Tu sortirais, par exemple, sans prévenir ton concubin. Ce sont des choses qui ne se font pas, Julia !
Le foyer conjugal c’est comme une entreprise; il y a toujours un règlement intérieur à respecter au pied de la lettre. Si tu l’enfreins, il va de soi que tu auras des ennuis. C’est encore mon aïeul qui disait: «Si tu ne veux pas souffrir, ne mets pas ta main dans un nid de guêpes. » Joseph m’a dit que ton téléphone sonne même à trois heures du matin. Souvent, tu es obligée de te lever pour aller répondre à tes coups de fils à la douche. Mais tu es louche, Julia ! Un homme ne peut se sentir à l’aise avec une femme qui fait ce que bon lui semble.
N’oublie pas que le téléphone est un baromètre à jauger du sérieux d’une personne. Si ton portable sonne jusqu’à des heures indues, on peut facilement déduire que tu as une vie sentimentale très mouvementée. Le fait que Joseph t’en fait des reproches, tu trouves qu’il n’est pas un homme bien. Mais quel genre de femme es-tu ? II faut savoir ce que tu veux, Julia. A vingt et huit ans, tu dois être fixée. Or, tu passes ton temps à changer d’homme. A cette allure, tu finiras par tomber sur le pire. Encore une sagesse de mon grand-père : « En évitant le tigre, on rencontre le crocodile. »
Les hommes éviteront de t’épouser avec de telles turpitudes pour ne pas perdre leur personnalité. Car, comme disait mon aïeul « celui qui dort avec les chiens se réveillent avec des puces.» Tu gardais dans ton sac un téléphone qui te permettait de joindre tes copains quand Joseph était au travail. Lorsque ce dernier rentrait, tu arrêtais l’appareil et le cachais dans le sac qui était dans la chambre pour visiteurs. Comme Dieu n’applaudit pas tes conneries, il a fait en sorte que, la semaine dernière, tu l’oublies en marche. C’est ainsi qu’il a sonné à deux heures du matin, attirant ainsi l’attention de Joseph.
Quand on vit en couple, il faut être le plus transparent possible dans ses faits et gestes. Parce qu’un moindre écart de conduite peut suffire à déclencher une crise de confiance au sein du foyer. Évite donc des actes à même de détruire le ménage. «Celui qui a des œufs dans son panier doit éviter de courir,» disait toujours mon papy. Le comble est que malgré la bourde que tu as commise, tu ne t’es pas montrée humble. Tu as plutôt bombé le torse, arguant du fait que tu es une belle femme.
C’est un tort de balancer, d’une chiquenaude, un homme parce que tu es d’une beauté qui peut facilement attirer un autre homme ! Si jusqu’à un certain âge tu ne te fixes pas, tu rebuteras les hommes même si tu es une belle femme, Julia. Ils pourront se méfier de toi se disant que tu traînes des casseroles. Mon grand-père disait : « Si un morceau de bois de chauffage a été abandonné à mi-chemin c’est qu’il porte des fourmis agressives. » Ce qui me gêne c’est que tes aînées t’encouragent dans la bêtise.
Lorsque Joseph a osé attirer leur attention sur tes écarts de conduite, elles n’ont pas trouvé mieux que de le qualifier d’homme irrespectueux. Finalement, elles sont contentes de te voir partir de ménage en ménage, tel un papillon sur des fleurs. Tout compte fait, tes sœurs sont les marraines de ta vie sentimentale très mouvementée. Elles te rendent un mauvais service, Julia.
Aujourd’hui, toutes les femmes se battent pour être belles, pour faire des études et avoir un emploi. Aussi, se cultivent-elles sexuellement pour retenir l’attention des hommes. Le seul critère qui puisse donc les départager est la beauté du cœur. Change donc de comportement parce que celui que tu affiches jusque-là risque, à terme, de te porter préjudice. « Le caractère est un serpent ; il peut se retourner et mordre son maître, » disait mon grand-père.
Jonas MOULENDA