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Yves BRAILLARD

LE phénomène des sacrifices humains a atteint des proportions sans précédent à partir de 2009, après l’incorporation formelle d’Ali Bongo Ondimba dans la société secrète Panthère noire, qui n’est en réalité qu’une perversion du vaudou. Après avoir accédé aux manettes de l’Etat, le président gabonais, décrit comme un homme obnubilé par le pouvoir, s’est créé une légitimité aux yeux des Gabonais en se parant de nouveaux attributs de puissance et de mystère alliant des éléments issus des rites maçonniques et ceux de mysticisme animiste.

Son gourou, Mexant Accrombessi, qu’il a nommé directeur de cabinet, l’a convaincu qu’amulettes, talismans et poudres de perlimpinpin faits à base d’organes humains ont le pouvoir de forcer le destin en favorisant une longévité politique. Il l’a persuadé que le sacrifice est un mode de communication entre les hommes et les dieux, un échange entre les hommes qui font leurs offrandes et les dieux qui les reçoivent.

Ali Bongo Ondimba a donc recours à des pratiques sadiques intégrant le trafic d’organes humains. Il déambule dans un univers ésotérique du vaudou et de la magie indienne. C’est ce qui explique la montée vertigineuse des assassinats avec prélèvement d’organes depuis son arrivée au pouvoir.

Pour apaiser des tensions à Libreville, par exemple, le président gabonais n’hésite pas de recourir à des fétiches intégrants des organes humains. Au plus fort des soulèvements populaires, ses marabouts survolent parfois la ville à bord d’un hélicoptère de la présidence de la République et y répandent une poudre fabriquée à l’aide des restes humains et d’autres ingrédients. Parfois, ils font des sacrifices dans les grands carrefours de la capitale pour dompter la population. C’est ce qui s’est passé dans la nuit du 19 au 20 décembre 2014 à Rio où l’opposition avait prévu un grand rassemblement.

PSYCHOSE. Mexant Accrombessi qui craignait le renversement du pouvoir par la rue a pris le taureau par les cornes. Tard dans la nuit, il s’est rendu sur les lieux avec d’autres marabouts d’Ali Bongo Ondimba pour officier un rituel démoniaque à l’aide de plusieurs dizaines d’animaux et du sang humain. Ils y ont planté une sorte de mine anti personnelle mystique, laquelle devait nécessairement entraîner une effusion de sang. Le résultat empirique désiré a été finalement atteint.

L’un des manifestants de l’opposition, Mboulou Beka, a été tué par balle par les forces de défense nationale. Son sang a coulé en guise d’offrande aux esprits du mal planqués dans les parages pour capturer une âme humaine destinée à apaiser la tension populaire. Le piège mystique avait été placé entre 2 h et 4 h du matin, sous le regard hagard et impuissant des agents de la gendarmerie nationale affectés pour la mission de sécurité au carrefour Rio.

Le règne d’Ali Bongo Ondimba plonge le peuple gabonais dans la psychose. Car, il se révèle être le printemps des prédateurs de tout acabit. C’est une période de douleurs et de pleurs pour de nombreuses familles gabonaises, d’origine ou d’adoption. Dans tout le pays, les populations vivent dans une psychose permanente. La hantise des voitures aux vitres teintées épiant des enfants isolés à la sortie des cours et du ballet incessant des profanateurs de tombes à la recherche frénétique d’ossements humains demeure dans tous les esprits. Dès la nuit tombée, on évite des promenades seul loin de son habitation.

La présidence de la République gabonaise dispose d’un grand réseau de dépeceurs d’homme chargé d’approvisionner en organes les marabouts d’Ali Bongo Ondimba. Ce gang criminel est géré par Alfred Edmond Nziengui Madoungou, alias V MAD, originaire de Mimongo, dans la province de la Ngounié (sud).

Pour masquer son rôle macabre, qu’il jouait déjà sous Omar Bongo Ondimba, Mexant Accrombessi, le marabout principal et directeur de cabinet d’Ali Bongo Ondimba l’a nommé conseiller politique du président de la République. Les mauvaises langues avaient même ironisé sur sa capacité à aider intellectuellement le chef de l’Etat, tant il est illettré. Ceux qui le connaissaient déjà ont vite compris qu’il s’agissait d’un sac d’embrouille.

A la présidence de la République, Nziengui Madoungou travaille en étroite collaboration avec Mexant Accrombessi. C’est ce dernier qui passe souvent des commandes en fonction des enjeux mystico-spirituels du moment. Une fois les desiderata exprimés, le conseiller occulte du président déploie ses lieutenants dans des zones où la capture de proies semble aisée. Pour un meilleur déploiement des prédateurs d’organes humains sur le terrain, la présidence de la République a doté V MAD d’un impressionnant parc automobile digne d’une société de transport terrestre. La seule différence c’est qu’il dispose de marques les plus chères sur le marché de l’automobile.

Parmi ses véhicules de missions funambulesques, l’on dénombre un minibus de couleur bleue sombre, destiné au transport des victimes vers les camps de déportation et de dépeçage. Presque tous les véhicules du patron des crimes rituels au Gabon portent des laissez-passer de la présidence de la République. Ils ne sont jamais interceptés dans les postes de contrôle érigés sur les différentes routes du Gabon. Toute chose qui permet aux dépeceurs d’hommes de transporter librement les glacières d’organes humains des camps de dépeçage vers Libreville où elles sont ensuite livrées aux féticheurs d’Ali Bongo Ondimba.

Lorsque l’un des véhicules de Nziengui Madoungou est identifié dans une mission macabre, il n’hésite pas à changer sa peinture et sa plaque minéralogique, à défaut de le cadeauter à un proche. C’est ce qu’il a fait en 2013. Il avait dépêché ses lampistes à Mouila, le chef-lieu de la province de la Ngounié, pour prélever des organes sur une tierce personne. Des membres de son organisation criminelle s’y sont rendus à bord d’un véhicule de marque Mitsubishi de type Pajero de couleur grise, hérité de Frédéric Massavala Maboumba, l’ex-conseiller politique du président de la République. Au cours de cette mission, ses lampistes ont happé un homme d’une trentaine d’années qui marchait nuitamment dans un quartier du 1er arrondissement de Mouila.

Ils ont tenté de l’embarquer de force dans leur véhicule. Devant la vive résistance du trentenaire, ils se sont résolus à lui sectionner la langue dans les parages. Le jeune homme n’a dû sa survie à l’intervention des passants. A la vue de ces derniers, les prédateurs d’organes humains ont pris la poudre d’escampette. Ils ont quitté à toute berzingue Mouila pour ne pas être arrêtés par l’antenne provinciale de la Police judicaire, alertée par de bonnes volontés.

 

Après cette mission manquée, Alfred Edmond Nziengui Madoungou a fait changer la peinture du Pajero. Il l’a revêtu d’une couleur noire avant de l’offrir à un proche. Deux ans plus tôt, en novembre 2011, il avait fait le même geste pour son Hummer de couleur rouge ayant servi au transport des organes prélevés sur un militaire assassiné entre Mouila et la petite ville de Ndendé, le chef-lieu du département de la Dola. Il l’a finalement offert au directeur général du projet de l’île franche de Mandji, Clotaire Nguélé, décédé deux ans plus tard dans un accident de la circulation aux portes de Fougamou, le chef-lieu du département de Tsamba-Magotsi.