Corruption, frasques, opulence, coups tordus, etc. L’institution militaire gabonaise n’a pas bonne presse. Elle est corrodée par toutes les pratiques qui l’empêchent de mener sa réelle mission. Alors qu’elle devait être la garante de la réconciliation nationale après près d’un an de crise, les forces armées gabonaises sont au contraire source de violence et de divisions.
Jonas MOULENDA
Qu’il est bien loin, le temps où les forces armées gabonaises (FAG) étaient dirigées par des officiers supérieurs de poigne et pétris de patriotisme. Depuis l’arrivée au pouvoir d’Ali Bongo, les généraux et colonels vigoureux et rompus à la tâche ont été remplacés par des mollassons promus sur la base du népotisme et aux relents mercantiles.
Dans les rangs des FAG, il se susurre que le dictateur avait pris le soin de se débarrasser d’abord des tous les officiers supérieurs qui pouvaient s’opposer à son premier passage en force en 2009 et au naufrage du pays assuré par lui. Il avait profité de son statut de ministre de la Défense de l’époque pour faire la purge au sein de l’institution militaire.
Mission accomplie. Aujourd’hui, la fine fleur de l’armée gabonaise n’est plus composée que des couilles molles, incapables de prendre des décisions garantissant l’intérêt supérieur de la nation. Il s’agit d’un groupe de béni-oui-oui qui applaudissent même au moindre atchoum du supposé chef suprême. « Au sein de l’armée, i y a ce qu’on appelle la fidélité de fait. Les officiers supérieurs ont juré fidélité à Ali Bongo. Toute personne qui osera lever la tête sera arrêtée », explique une source proche du service de renseignement.
L’échec de l’alternance politique au soir de l’élection présidentielle du 27 Août dernier est imputable à un manque de volonté aux échelons les plus élevés des forces armées gabonaises. Les réseaux corrompus actifs, présents au cœur même de l’institution militaire, ont été mis en branle par le clan mafieux d’Ali Bongo pour préserver ses intérêts égoïstes.

MANQUE DE NEUTRALITE NEFASTE. En réalité, les causes du raté de l’alternance politique sont profondes et remontent au règne d’Omar Bongo. Aucun débat sur les principes fondateurs de la nouvelle armée n’a été initié, excepté le changement de dénomination de la Garde présidentielle (GP) en Garde républicaine (GR), à l’issue d’un référendum consécutif aux Accords de Paris. Malgré le changement de nom, ce corps militaire est resté une milice au service du président de la République. Un manque de neutralité néfaste, qui a conforté Ali Bongo dans sa forfaiture.
Le commandant en chef de la gendarmerie, le Général Jean Ekoua, le commandant en chef de la Garde républicaine, Grégoire Kouna, le chef d’état-major général des armées, Bibaye Itandas, le commandant en chef de la police, le Général Jean-Claude Oye Nzue ne sont que des valets du dictateur. Pour exercer leurs fonctions respectives, il leur fallait absolument présenter des garanties de loyalisme au distributeur principal des strapontins. C’est dans cette optique qu’ils ont été élevés au grade le plus élevé.
Les analystes pensent qu’ils occupent ces postes pour cause d’apparat et dans une stratégie politique d’Ali Bongo visant à attirer la sympathie des ressortissants de différentes composantes de la société gabonaise. Les vraies décisions sont souvent prises par le patron du service de renseignement, Frédéric Bongo et Hervé-Patrick Opiangah. Ce sont ces derniers qui transmettent des ordres aux chefs de troupes, parfois sans passer par leur hiérarchie.
C’est ce qui s’est passé lors de la répression des manifestations de l’opposition après le hold-up électoral perpétré par Ali Bongo. Frédéric Bongo et Hervé-Patrick Opiangah avaient pris sur eux la lourde responsabilité de faire massacrer tous les récalcitrants. Les décisions étaient prises dans un cercle restreint dont faisaient partie deux membres du clan Bongo, le Général Grégoire Kouna et le Général Jean Ekoua. « Ils avaient exclu les autres officiers supérieurs pour éviter des fuites en avant. C’était une affaire de clan », explique une source proche des services spéciaux de la présidence de la République.

CLEPTOMANIE. Sans formation ni brevet militaire attestés par une académie militaire, certains officiers supérieurs de l’armée gabonaise doivent leur place grâce à leur loyauté absolue au régime d’Ali Bongo dont ils ont servi pendant longtemps le rôle de garçons de course et de tiroir-caisse. Ils sont connus pour leur populisme en matière de communication propagandiste.
Hommes d’affaires et bons vivants, ils sont souvent surpris dans des hôtels en compagnie d’une cohorte de jeunes filles, certaines probablement mineures. Ils sont propriétaires, entre autres, de somptueuses résidences dans les quartiers huppés de Libreville et à travers le pays. Ils tirent leurs fortunes colossales du détournement des fonds destinés aux troupes. Les subalternes leur lancent souvent des regards concupiscents, sans jamais oser dénoncer leur cleptomanie.
Ce qui est surprenant est que généraux, très controversés et contestés même par leurs frères d’armes qui requièrent l’anonymat, ont été gratifiés à la tête d’une structure de sécurité qui est tout, sauf une armée. Il s’agit d’une armée de couilles molles, de gueux en déliquescence incapable de défendre l’intérêt supérieur de la Gabon. Sous le règne calamiteux d’Ali Bongo, lorsque l’armée, censée sauver des vies humaines et garantir l’intégrité et la souveraineté, massacre le peuple, ses chefs sont souvent gratifiés.