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La fille aînée du dictateur gabonais pourrait mordre la poussière  aux prochaines élections législatives dans la circonscription politique où l’a parachutée son père pour tenter de se faire une base électorale.

Jonas MOULENDA

Les futures élections législatives ne s’annoncen pas une partie de plaisir pour Malika Bongo, la fille aînée d’Ali Bongo, candidate à Bongoville, le chef-lieu du département de la Djouori-Agnili, dans la province du Haut-Ogooué (sud). Son père l’y a envoyée sans préparation aucune pour solliciter les suffrages des riverains lors de ces consultations électorales. Un acte perçu comme un nouveau pied de nez.

Ali Bongo avait fait de son ami Maixant Accrombessi le nkani (chef, en langue Téké) de la localité. Au plus fort du désamour entre la population et lui, c’est ce rastaquouère béninois qu’il avait envoyé s’adresser aux riverains, en 2016,  sur un ton teinté de mépris et d’arrogance. Un geste vu d’un mauvais œil par les Teké, qui se disent dépossédés de leur héritage historique.

La fille du dictateur en tournée la semaine dans la circonscription politique où elle a été parachutée. L’accueil était froid.

Comme si cela ne suffisait pas, Ali Bongo a donc positionné sa fille sur un siège où elle n’y mettait pas les pieds. Pis, tout au long de son règne de député de Bongoville, le dictateur gabonais était en rupture de ban avec les riverains, mais il s’en tamponnait le coquillard. « Il n’a rien fait pour se faire accepter par la population. Il était méprisant et arrogant. On  ne le voyait ici que pendant les périodes électorales pour solliciter nos suffrages », se souvient avec dépit un notable du terroir.

Le mauvais bilan d’Ali Bongo est le premier adversaire de sa fille

Sur le terrain, Malika Bongo va se heurter d’abord au bilan catastrophique de son père. En quinze ans de députation, Ali Bongo n’a rien fait rien pour revaloriser la petite ville. Il n’y a construit même pas un bivouac. C’est dans la maison familiale qu’il descendait lors de ses rares villégiatures. Pis, la misère  des riverains, qui vivent dans des taudis construites entièrement en tôles ondulées, n’attirait pas sa compassion, lui qui avait pourtant l’argent plein les poches. Il était absent sur le terrain. Il n’y était revu que le jour de renouveler le mandat du poste électif qui lui était offert sans le moindre effort.

Avec un tel bilan négatif, les habitants de Bongoville ont du mal à accepter la candidature de sa fille. Nombreux sont ceux qui disent ne pas avoir l’intention de voter pour elle. « Je préfère donner ma voix à un chien qu’à cette fille. Elle est née avec une cuiller d’argent à la bouche. Qu’elle se contente de son de l’argent du Gabon que son père lui donne. Qu’elle ne vienne pas nous emmerder. Nous avons déjà assez de problèmes », s’énerve une jeune de la localité.  

Dans une large mesure, les Téké de Bongoville préfèrent la candidature de Saturnin Odouma, l’adversaire coriace de la fille du tyran. Car, ils estiment n’avoir pas tiré profit de cinquante ans de règne de la famille Bongo. Cette fois-ci, a-t-on appris, ils aimeraient prendre leur destin en main en portant au pinacle Séraphin Ondouna et sa suppléante, présentés comme les vrais enfants du coin, soucieux du devenir du terroir.

Les habitants de Bongoville préfèrent voter pour  Santurnin Odouma, qu’ils disent plus proche de leurs préoccupations  

Séraphin Ondouma est sûr de battre mathématiquement son adversaire.

Pour tenter de gravir la haute colline politique, Malika Bongo et ses proches ont recouru à des manœuvres frauduleuses. Ils ont notamment  inscrit en tapinois plusieurs centaines d’agents de la Garde républicaine (GR). Joséphine Nkama, la mère du dictateur, y a également inscrit toutes les femmes de son groupe d’animation Kounabéli.  Plus grave encore, le fédéral du Parti démocratique gabonais (PDG), au pouvoir, connu sous le patronyme de Daxel fait le tour des villages Souba, Onkara et Ofouma pour récupérer déjà les cartes d’électeurs des riverains.

Joséphine Nkama, l’un des artisans de cette fraude en préparation, arrive  mardi prochain à Bongoville pour finaliser toutes les opérations dolosives et animer la campagne de sa petite-fille. Mais une grande partie des jeunes de Bongoville jure ne pas laisser la famille régnante agir en terrain conquis. « Cette fois-ci, nous ne nous laisserons pas faire. Nous allons montrer le feu aux Bongo, comme nous l’avons fait à la dernière élection  présidentielle », a promis un autre jeune du chef-lieu de la Djouori-Agnili.

Tout le problème réside dans leur capacité à faire face aux représailles du tyran. Car, ceux qui n’y font pas allégeance sont soit incarcérés soit contraints en exil, à défaut d’être privés de toute possibilité d’avoir un emploi. Ils sont nombreux à avoir fait les frais d’Omar Bongo et de ses descendants depuis cinquante. Les uns sont déjà sous terre, et d’autres ont quitté le pays pour échapper à la vendetta.