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Marcel Libama, Jean-Remy Yama, Georges Mpaga et Ghislain Malanda, membres de la société, avaient porté plainte, le 14  janvier dernier, contre le fils du dictateur gabonais, pour corruption, enrichississement illicite et blanchiment d’argent en bande organisée. Vingt-quatre heures plus tard, le mis en cause a saisi, à son tour, la même justice pour dénonciation calomnieuse et diffamation. Lundi, les quatre syndicalistes ont été auditionnés par la direction générale de recherche (DGR), chargée de l’enquête. 

Jonas MOULENDA 

LES quatre membres de la société ont subi un interrogatoire qui aura duré neuf heures de temps dans les locaux de la DGR. Au cours de cette audition libre, les questions des enquêteurs ont essentiellement porté sur les accusations contenues dans leur plainte déposée le 14 janvier dernier au greffe du tribunal de première instance de Libreville.

Marcel Libama, Jean-Remy Yama, Georges Mpaga et Ghislain Malanda, interrogés séparément,  sont restés droits dans leurs bottes, répondant sans fioritures à toutes les questions des enquêteurs. Mais très vite, l’audition a viré aux menaces et au chantage à leur encontre.

Les enquêteurs ont brillé par une certaine partialité, réfutant toutes les dires de leurs interlocuteurs. « Si vous n’avez pas les preuves de vos allégations, vous irez en prison », auraient-ils menacé, se substituant ipso facto au procureurdde la République et au juge, les seules autorités judiciaires habilitées à délivrer un mandat de dépôt.

Nourredin Bongo et son despote de père ont instauré la justice du plus fort. 

Pourtant, le rôle des officiers de police judiciaire consiste à constater les infractions à la loi, d’en rassembler les preuves, d’en rechercher les auteurs et de les présenter devant le procureur de la République, conformément au code de procédure pénale en vigueur en République gabonaise. Mais les enquêteurs de la DGR ont outrepassé leur rôle. C’est ainsi qu’ils ont revêtu le manteau de défenseurs du régime en place.

Des sacs d’argent de Nourredin Bongo interceptés à Rio 

Ils ont poussé leur outrecuidance jusqu’à reprocher à Marcel Libama et Jean-Remy Yama de combattre le régime d’Ali Bongo, alors qu’ils sont de la même province que ce dernier, à savoir le Haut-Ogooué. « Ne vous mettez pas avec des gens d’autres ethnies pour combattre le président Ali Bongo. C’est notre frère. Si quelqu’un d’une autre province prend le pouvoir, nous allons tous souffrir », auraient-ils dit sans vergogne.

Répondant aux questions sur la supposée interception, par la gendarmerie, d’un montant d’un milliard de FCFA, le mois  dernier au carrefour Rio (Libreville), les quatre syndicalistes ont expliqué que l’un d’entre eux, en l’occurrence Ghislain Malanda, en était parmi les témoins oculaires. Ce soir-là, ont-ils expliqué, Malanda, au volant de sa voiture, avait été arrêté par les gendarmes au poste de contrôle situé au carrefour Rio.

Pendant qu’il attendait que les agents lui restituent les documents de son véhicule qu’ils avaient confisqués, les mêmes gendarmes ont, peu après, intercepté  un véhicule conduit par des agents de la Garde républicaine (GR). La fouille du véhicule suspect, ont-ils renchéri, a permis aux contrôleurs de découvrir des sacs d’argent contenant un milliard de F CFA, propriété de Nourredin Bongo.

A la suite de cette découverte, ont-ils ajouté, le véhicule transportant les fonds a été immobilisé et conduit au poste de gendarmerie de Gros-Bouquet. A la lumière de leurs explications, il ressort que Ghislain Malanda  y a suivi ses contrôleurs pour tenter de récupérer les papiers de sa voiture. Là-bas, ont-ils relevé, le syndicaliste a vu le patron de la DGR, le général Barassouaga, du reste son beau-frère, arrivé manu militaro à minuit pour s’enquérir de la découverte de l’importante somme d’argent.

Les enquêteurs, visiblement gênés aux entournures, ont tenté de dissuader les plaignants en minimisant le montant découvert cette fameuse nuit de décembre. Ils ont prétendu que la somme découverte était de 2 000 euros seulement. Questions: si la somme découverte était si modique, pourquoi les gendarmes ont-ils immobilisé le véhicule jusqu’à le conduire au poste ?

Le clan Bongo a instauré la justice du plus fort 

Pourquoi le patron de la DGR, le général Barassouaga, était-il contraint de se rendre nuitamment à Gros-Bouquet pour s’enquérir de la sitution ? S’y serait-il rendu pour aller constater la découverte d’une modique somme interceptée par ses éléments ?  Ne s’était-il pas déplacé sur ordre de Nourredin Bongo qui tenait à récupérer son magot et taire le scandale ?

L’argent du contribuable est continuellement volé par le clan mafieux au pouvoir.

Tout porte à croire que la DGR protège le fils du tyran, pourtant empêtré dans plusieurs scandales financiers. Les agents de cette gestapo  brillent souvent par des entourloupettes. Ils cognent régulièrement dur sur des citoyens dépourvus de paravent. Même position adoptée par les magistrats. A mesure que les mois passent, on assiste à la justice du plus fort.

Pour conserver le pouvoir qui file entre ses doigts, le clan Bongo instrumentalise la justice contre ses adversaires. Ceux-ci sont traqués pendant que les assassins et voleurs au col blanc du pouvoir se pavanent tranquillement à travers le pays. La prison c’est pour les uns, singulièrement les faibles, de préférence placés au plus bas de l’échelle de la société. Sans se méprendre, les brigands en costume et cravate continueront à se la couler douce.

La loi du plus fort est précaire car elle n’est pas un droit. Sans cesse contestée dans son bien-fondé, elle s’épuise à se maintenir en place en déployant l’arsenal de la violence : intimidation, répression et terreur pour endiguer les rébellions qu’elle suscite. En revanche, une puissance autorisée, parce que reconnue dans sa justice, peut s’assurer l’adhésion volontaire de ses sujets. Ceux-ci n’obéissent plus alors par contrainte, mais par devoir, et c’est leur vertu qui les conduit au respect des lois.

Si les détenteurs du pouvoir estiment ne pas être liés au devoir de redevabilité, le plus simple serait de dissoudre le parlement et de laisser le pays fonctionner avec des gouvernants n’ayant des comptes à rendre à personne. Le nouveau signal négatif émis avec la contre-plainte  de Nourredin Bongo ne peut que pousser la majorité silencieuse à s’inquiéter de l’impunité dont bénéficie les membres du clan Bongo et l’absence totale d’un état de droit.

Au terme de l’audition de Marcel Libama, Jean-Remy Yama, Georges Mpaga et Ghislain Malanda, les enquêteurs leur ont fait la promesse de convoquer le fils  du tyran oour l’auditionner à son tour sur les faits de corruption, d’enrichissement illicite et de blanchiment d’argent en bande organisée. Les quatre plaignants pensent que les feux de la justice ne pourront pas éclairer jusqu’au bout de la rampe.