Gabon: lettre à la tortionnaire en chef Sylvia Bongo
mardi 4 février 2020 | A la une |
Madame la régente,
J’aurais aimé ne pas avoir à penser à vous parce que chaque pensée pour vous est une pensée de trop. Mais la situation dans laquelle se trouve le Gabon ne me laisse pas d’autre choix. L’idée de vous écrire m’est venue parce que vous traquez désormais les Gabonais jusqu’à leurs derniers retranchements. Je ne peux donc pas rester indifférent aux malheurs de mes semblables. « Quand on parle de ce qui est oblique, la machette se présente en premier», disait mon grand-père.
Depuis que vous régentez le Gabon, après la maladie de votre mari décoratif, vous faites de la persécution du peuple gabonais votre sacerdoce. Personnellement, je ne dors plus du sommeil du juste. Car, votre méchanceté gratuite me hante tout le temps. Ces derniers jours, l’idée de vous dépiauter me suit comme mon ombre, s’infiltrant partout, me glaçant le sang et me serrant le cœur. Je vois cette peur que vous tentez de répandre dans tout le pays pour tenter de dompter un peuple déchaîné. Sachez que la brutalité est le réflexe d’une dictature chancelante. Mon aïeul disait : « Celui qui se noie s’accroche à tout, même à un serpent. «
« Vous vengez du déficit d’amour que vous avez eu dans votre dure enfance. »
Votre méchanceté ne date pas d’aujourd’hui. Vous avez toujours malmené vos beaux-parents et vos domestiques, comme pour vous venger du déficit d’amour dont vous avez été victimes dans votre dure enfance. Aujourd’hui, plus que par le passé, vous traquez tous ceux qui militent en faveur de l’alternance et la bonne gouvernance dans notre pays. Certains compatriotes sont désormais obligés de mettre une grande capuche pour passer incognito dans certains quartiers de Libreville. D’autres sont même contraints de changer de démarche, terrifiés à l’idée que vos chiens de chasse que vous avez lâchés dans la ville les reconnaissent. « Une souris même ivre reconnaît les endroits où passent les chats », observait mon papy.
Je devine aisément l’angoisse de tous les combattants de la liberté à chaque fois qu’une silhouette similaire à celle de vos chevaliers de la mort apparaît au détour d’une rue pendant quelques fractions de secondes bien trop longues. Ils imaginent qu’à chaque voiture qui ralentit, ils imaginent une vitre qui se baisse, le bruit d’une balle, la fin de leur vie. Dans leurs peurs, les Gabonais se voient mourir. Vos mots relayés par vos sbires tournent dans la tête des opprimés ayant déjà séjourné dans vos geôles. Nombreux en sont sortis traumatisés, à cause de nombreux sévices corporels. Quelques-uns racontent parfois leurs tribulations. Mon grand-père disait : « Celui qui a échappé à la foudre en parle volontiers. »

Madame la régente, vous êtes un monstre à visage à peine humain ! Vous avez l’art de faire torturer et d’humilier vos semblables pour les amener à renoncer à la lutte pour la libération de notre pays et favoriser l’accession au pouvoir de votre rejeton Nourredin Bongo. Vous ne mégotez pas sur les moyens pour atteindre vos objectifs aux desseins inavoués. Votre méchanceté gratuite rampe sur les Gabonais comme une grande main visqueuse voulant les empêcher de se débarrasser des chaînes qui les lient. Vous ne savez faire que du mal. Ce qui n’est pas surprenant. Mon pépé disait : « Le chien sait aboyer, mais ne sait pas rire. »
« Ne prenez pas le silence des victimes de votre barbarie pour une faiblesse. »
Aujourd’hui, les Gabonais connaissent la haine viscérale. Celle-ci se déverse sur leurs vies comme un puits d’obscurité, qui assombrit tout et rend obscur même ce qu’ils prenaient pour des points de lumière. C’est à cause de votre méchanceté que d’aucuns ont définitivement fermé la porte sur le passé. Ils sont nombreux à rester figés par la peur dans leur maison lorsqu’ils entendant quelqu’un cogner devant leur porte parce qu’ils imaginent la présence de vos sicaires qui appliquent bêtement vos consignes malveillantes. Vos victimes vous demanderont des comptes après la chute du régime de votre mari moribond. « C’est lorsque la poule est attachée que le cafard lui demande des explications », disait mon aïeul.
A cause de votre machiavélisme, beaucoup de Gabonais ont changé de domicile. Leur vie a basculé. Ils n’arrivent pas à se retourner et regarder derrière eux sans souffrir. Plusieurs pans de leurs vies se sont détruits dans leur fuite de vous et de ce que vous leur avez fait. Ces gens que vous avez abîmés s’attellent à construire le plus beau des royaumes par-dessus vos ruines. Grâce à vos persécutions, ils sont devenus plus forts que vous ne le serez jamais. Demain, quand ils auront fini de se reconstruire, vous n’aurez pas le courage de les regarder en face. Mon papy disait : « Quand la plaie est guérie, les mouches meurent de honte. »
Madame la tortionnaire en chef, vous aurez beau tenter d’enfermer les Gabonais dans une cage, mais vous n’y parviendrez pas ! Bientôt, viendra le jour où ils se lèveront comme un seul homme pour sonner le glas du régime qui vous engraisse. Ni brutalité, ni sévices, ni torture ne les dissuaderont. Ils sont nés pour pour vivre libres et non dans la servitude. C’est pourquoi ils ont fait leur choix de la révolution. Ne prenez pas le silence des victimes de votre barbarie comme une forme de résignation. «C’est la cendre que tu crois avoir éteinte qui brûle la maison », aimait à dire mon aïeul.
Jonas MOULENDA