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Gabon: les ports d’Owendo et de Port-Gentil sous contrôle d’une mafia somalo-béninoise

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Corruption, fraude fiscale, extorsion sous la menace, détournements de fonds, blanchiment d’argent, exportation frauduleuse d’essence de bois, etc. Liban Suleiman et Maixant Accrombessi  ont développé, à leur profit, un véritable empire économique à l’intérieur même de ces deux  infrastructures économiques. Des sociétés fictives leur permettent de profiter de leur position pour s’enrichir indûment, tout en faisant profiter leurs proches de leurs agissements occultes.

Jonas MOULENDA

OWENDO, au sud de Libreville, la capitale gabonaise. Dans cette ville adjacente de 70 000 habitants se trouve le port à conteneurs. La loi du silence est de rigueur, car aucun riverain ne connaît  la mafia qui y règne. Trafic international de cocaïne, recyclage illégal, extorsion, détournement de fond public, jeux de hasard, vente d’armes, déchets illégaux, prostitution, contrefaçon, immigration clandestine, etc, y sont légion.

C’est une fable digne de Pagnol qui pourrait se jouer un jour devant un tribunal correctionnel sur fond de trafics en tout genre. Depuis cinquante ans, le clan Bongo règne en maître absolu sur le juteux marché du transport maritime d’Owendo et de Port-Gentil. Il y a construit un véritable empire mafieux. « C’est pour cette raison qu’elle a toujours placé à la tête du port des personnes de confiance. Ali Bongo en fut longtemps président du Conseil d’administration sous son père », explique un ancien ministre.

La nébuleuse montée par les deux rastaquouères pour faire de l’arnaque aux ports d’Owendo et de Port-Gentil.

Mais depuis 2015, Liban Suleiman et Maixant Accrombessi ont créé une holding au port d’Owendo et de Port-Gentil par le truchement de Scan Gabon, une société anonyme de droit gabonais détenue à 67% par Cotecna et à 33% par le Gabon. Elle est chargée de scanner tous les conteneurs qui y entrent, au prix de 86 000 F CFA l’unité.  D’après nos informations, la fameuse société est sous la houlette de Liban Suleiman . L’argent issu de l’arnaque n’est pas versé dans les caisses de la douane gabonaise mais plutôt dans celles de la nébuleuse.

Les deux mafiosi ont créé un compte au Trésor pour le versement de l’argent de leur mafia 

Pour tenter de masquer leurs manœuvres dolosives, Maixant Accrombessi et son comparse shebab ont créé un compte au Trésor public pour la domiciliation des fonds issus de la transaction mafieuse. « Chaque semaine, ils envoient leurs collaborateurs récupérer les sous issus de l’arnaque au port d’Owendo. Il s’agit des milliards de F CFA », confie un agent de l’administration financière.

Des centaines de conteneurs débarquement chaque jour au port d’Owendo, géré par l’Office des ports et rades du Gabon (Oprag), dirigé par Saïd Abeloko, un proche d’Ali Akbar Onanga. Ce qui fait un sacré magot à la société des deux collaborateurs du despote gabonais. Or, le scanner doit être un instrument de la douane gabonaise. L’argent qui en résultat devrait donc revenir à l’Etat gabonais.

La mafia somalo-béninoise sévit au port d’Owendo. 

Cette mafia somalo-béninoise se passe sous le barbe du ministre de l’Economie et des douaniers, réduits au silence devant la toute-puissance de Maixant Accrombessi et de Liban Suleiman. « Le ministre de l’Economie ne peut rien faire. La mafia est voulue et entretenue par celui qui l’a nommé à ce poste. Il ne peut donc pas lever son petit doigt », estime un transitaire.    

Malgré la crise persistante au Gabon, des transitaires continuent d’entretenir la mafia du port dont se nourrit bon nombre de fonctionnaires et ce malgré les tracasseries et la cherté du fret. L’Etat y constate un manque à gagner notoire dans les opérations de dédouanement et de transit, mais il ne parvient pas à serrer les vis pour obliger l’administration douanière de pratiquer la vérité des prix et d’interdire tout dépotage mafieux de containers.

La nébuleuse exporte illégalement certaines essences de la forêt gabonaise

De fait, douaniers et autres agents du port se sucrent sur le dos de l’Etat. « S’ils interdisent le dépotage, les premiers à souffrir seront eux-mêmes », explique un homme d’affaires. Manifestement, il s’agit d’une chaîne aux nombreuses ramifications. La mafia  de Liban Suleiman de Maixant Accrombessi ferait gagner à ses membres plusieurs dizaines de millions de F CFA par jour sur le dos de l’Etat autant sur la sortie que sur l’entrée des containers.

En mai 2016, un gros scandale a éclaté au port d’Owendo. Un transitaire malien, Moussa Keita, a été épinglé par la direction générale des douanes pour exportation frauduleuse de 14 conteneurs de Kévazingo. Il avait bénéficié de nombreuses complicités au sein de l’administration douanière et au niveau des transporteurs maritimes. Une ressortissante chinoise de 24 ans, Wan Min, responsable d’une nébuleuse dénommée Bocheng- Timber Gabon, fut arrêtée dans le cadre de la même affaire.

D’après nos investigations, Liban Suleiman s’est investi dans le commerce illicite des nombreuses essences protégées de la forêt gabonais. Ainsi, des camions d’Olam transportent souvent clandestinement du bois jusqu’au port d’Owendo. L’année dernière, un camion de cette société malaisienne fut intercepté à Bemboudié, regroupement de villages situé à 60km de Mandji, le chef-lieu du département de Ndolou. Il transportait du Padouk, du Kevazingo et d’autres espèces  très prisées sur le marché international.La mafia exporte de manière illicite certaines essences de la forêt gabonaise.

 

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