L’outil de communication avait été subtilisé à son propriétaire à Paris par des sbires du régime, qui l’ont ensuite acheminé sur Libreville pour l’exploitation des données qu’il contient. Il aurait été transmis au dictateur gabonais par le patron du service de renseignement, Frédéric Bongo, instigateur de la mission.
Marcia GUIKOMOU
Décidément, le régime dictatorial d’Ali Bongo ne lésine pas sur les moyens pour espionner les citoyens et accéder à leurs données personnelles, afin de régler les comptes aux mouchards.
Selon une source proche des services spéciaux de la présidence de la République, le patron du service de renseignement, Frédéric Bongo, utiliserait de nouvelles méthodes pour obtenir des informations hautement confidentielles sur les opposants, les journalistes et les activistes.
Début août dernier, a confié la source, le frère cadet du despote gabonais, a dépêché des brigands, dépéché à Paris, trois mouchards à la solde du régime pour une mission digne d’un polar. Cette mission, à renchéri la source, consistait à approcher certains activistes de la résistance et de subtiliser leur téléphone portable, afin de savoir avec qui ils communiquent et qui leur fournit des informations à l’intérieur du régime.
Les barbouzes ont attendu que l’activiste soit ivre pour lui soutirer son téléphone
Les émissaires du pouvoir de Libreville ont agité la fibre ethnique et amicale. C’est ainsi qu’un activiste a mordu à l’appeau. Résolu à lui subtiliser son téléphone, ils lui ont proposé un dîner dans un restaurant parisien. « Ne se doutant de rien, l’activiste a répondu à leur invitation. Ce sont des gens qu’il connaît depuis son enfance; il ne pouvait pas trop se douter de leur plan, » a expliqué la source.
Et de renchérir: « Une fois au restaurant choisi par l’activiste, ils lui ont demandé à c de passer la commande de tout ce qu’il voulait consommer ce soir-là, précisant que la facture était à leur charge. Ils lui ont dit de passer la commande de tout ce qu’il voulait consommer, ce qu’il a fait sans se faire prier, » a raconté un autre agent du service de renseignement.

Paris est le théâtre des traquenards tendus aux opposants gabonais par le régime de Libreville.
Très à l’aise, a relevé notre informateur, l’activiste s’est servi à volonté, multipliant les bouteilles de vin. La boisson ainsi consommée l’a soumis à des va-et-vient entre les toilettes et la salle où dinait avec ses congénères. Profitant de son absence momentanée, ces derniers ont subtilisé le téléphone resté sur la table.
Lorsque son propriétaire est revenu dans la salle, il n’a fait que constater la disparition de son outil de communication. Intrigué par ce qu’il a considéré comme un simple larcin, il a demandé à ses convives s’ils n’avaient pas vu son téléphone portable. Ils ont feint de tomber de nue devant la disparition de l’outil de communication. Pourtant, l’un d’eux l’avait retiré subrepticement et caché au fond de son sac.

Frédéric Bongo est satisfait de la mission.
Après avoir rempli leur mission, les sbires du régime ont rallié Libreville avec le téléphone de l’activiste dans leur escarcelle. Ils l’ont finalement livré à Frédéric Bongo. La consultation de toutes les données terminées, le patron du service de renseignement l’a apporté à son aîné pour lui monter tous les échanges de l’activiste avec des membres du pouvoir.
Le pouvoir a accédé à ses données personnelles et connaît désormais ses informateurs
« Le téléphone n’avait pas de code de sécurité. Ils ont donc facilement accédé aux messages et à toutes les données personnelles de l’activiste, » a fait observer la source, précisant que parmi les messages qui ont intrigué le despote, figurent ceux émis par un ancien membre du bureau politique du Parti démocratique gabonais (PDG), au pouvoir.
Comme il fallait s’y attendre, les informations livrées par l’intéressé et l’aide qu’il apportait à l’activiste l’ont mis en rupture de ban avec Ali Bongo. Considéré comme un traitre, il a été immédiatement sorti du PDG. « Son avenir politique se jouera bientôt devant un tribunal. Car, pour se venger, le régime a décidé d’utiliser le levier de la justice pour ses crimes économiques commis dans le passé, » a conclu la source.
A en croire nos sources, le pouvoir de Libreville continue de passer au crible les données personnelles de l’activiste. Frédéric Bongo aurait accès aux comptes Facebook du propriétaire du portable, restés actifs. Tout cela se passe à l’insu du cyber activiste qui continue à croire que son téléphone avait été volé par un autre client du restaurant, alors qu’il a été subtilisé par les brigands du pouvoir.