Depuis cinq décennies, ce pays très riche en ressources naturelles est dirigé par un clan mafieux. Les membres de celui-ci, présents dans toutes les sphères décisionnelles de l’Etat, ont siphonné les finances publiques. Ils salivent à l’évocation du moindre poste de responsabilité permettant d’accéder aux fonds publics.
Jonas MOULENDA
Les élections législatives et locales jumelées prévues le mois prochain au Gabon permettent de jauger les appétits politiques et pécuniaires boulimiques du clan Bongo, au pouvoir depuis 1967. Ses membres, jamais rassasiés, iront à la pêche aux voix des Gabonais.
Il y a d’abord Joséphine Nkama, l’inoxydable mère adoptive d’Ali Bongo. A près de 80 ans, elle n’est pas prête à prendre sa retraite politique. Elle est sur la liste des candidats à la mairie de Libreville pour le compte du Parti démocratique gabonais (PDG), au pouvoir. Selon certaines indiscrétions, elle aspire à devenir l’édile de la capitale pour gérer les fonds générés par les marchés de la capitale.

Joséphine Nkama est candidate aux élections municipales à Libreville.
Sur la même liste figure Alex Bongo, le cadet du dictateur gabonais, qui doit son traitement de faveur plus à son appartenance à la loge maçonnique qui a pignon sur rue au Gabon qu’à ses capacités intellectuelles. D’aucuns le présentent d’ailleurs comme un taré de ciboulot ayant montré ses limites à tous les postes de responsabilité auxquels il a été promu par népostime.

Alex Bongo est aussi sur la liste municipale
A Bongoville, le chef-lieu du département de la Djouori-Agnili, dans la province du Haut-Ogooué (sud-est), Malika Bongo, la fille aînée d’Ali Bongo, est candidate aux élections législatives. Elle tient à devenir député comme son père, sans jamais être porteuse d’ambition. « Son père lui a promis un poste au gouvernement au sortir des élections législatives. Elle se bat pour obtenir un semblant de légitimité, » confie un conseiller politique du despote gabonais.

Malika Bongo est en lice à Bongoville
De nombreux autres membres du clan Bongo sont candidats dans d’autres circonscriptions politiques du pays. A travers leur démarche, ils voudraient conserver le pouvoir. Or, convient-on, ils ont lamentablement échoué dans la gestion du pays. Celui-ci est tombé de Charybde en Scylla depuis l’arrivée d’Ali Bongo au pouvoir en 2009. « C’est sous son règne que le Gabon a amorcé sa descente aux enfers parce qu’il fait la promotion de la médiocrité au détriment de la compétence, » se désole un analyste politique.
Aujourd’hui, tout le monde s’accorde à dire qu’il est nécessaire d’insuffler un peu d’air frais à un pays qui étouffe, parce qu’il est maintenu dans le statique mortifère qui est la même pièce de théâtre politique jouée par les mêmes acteurs depuis cinquante ans déjà. Ali Bongo, fils adoptif d’Omar Bongo qui a régné quarante-deux ans durant sur le Gabon, doit être éjecté du fauteuil présidentiel qu’il occupe indûment depuis l’élection présidentielle du 27 août 2016 au cours de laquelle il a mordu la poussière face à Jean Ping.
Au Gabon, le pouvoir se transmet à tous les niveaux de père en fils comme dans les monarchies. C’est la transmission dynastique du pouvoir par la fratrie ou accointances familiales qui semble être le mode de gouvernance du pays. La technostructure du gouvernement formé lundi par les putschistes vient confirmer cette triste réalité.

Au Gabon, le pouvoir se transmet de père et fils ou fille. Biendit Maganga Moussavou et Carmen Ndaot en sont l’illustration.
L’opposant alimentaire Pierre-Claver Maganga Moussavou a été catapulté vice-président de la République et son fils, Biendi Maganga Moussavou, se retrouve ministre plein. Il en est de même pour Séraphin Ndaot, promu président du Conseil national de la Démocratie, tandis que sa fille, Carmen Ndaot, est bombardée ministre du Travail, de l’Emploi et de la Formation professionnelle.
Guy-Maixent Mamiaka a été ramené au gouvernement des putschistes. Il est le fils du Général Raphaël Mamiaka, qui est longtemps resté ministre sous Omar Bongo. C’était comme s’il n’y avait pas d’autres compétences dans leur ville de Booué, le chef-lieu du département de la Lopé, dans la province de l’Ogooué-Ivindo (nord-est). Comme dans toutes les autres localités du pays, c’est la famille Mamiaka qui y règne sans partage depuis des décennies.
Ali Bongo a nommé son demi-frère, Fabrice Andjoua Bongo, au prestigieux poste de Directeur Général du Budget. Les cabinets ministériels sont, à l’identique, composés des membres d’une même famille. C’est ainsi que dans un ministère, on trouvera, du planton au secrétaire général, en passant par les conseillers, les secrétaires, des membres d’une même ethnie. Comme s’il n’y avait pas des compétences dans d’autres composantes de la société.

Fabrice Andjoua Bongo Ondimba, le demi-frère du tyran, devenu DGB.
Le peuple gabonais abhorre cette République familiale. Il veut désormais être maître de son destin. La minorité riche a assez écrasé la majorité pauvre. Les nombreuses familles qui se retrouvent exclues de la gestion du pays n’ont pas d’autre alternative que la rue pour tenter d’arracher leur liberté confisquée. Le gouvernement mène une politique de plus en plus sélective. L’aisance financière ne se reflète pas sur la vie des familles frappées d’ostracisme, mais seulement sur la minorité au pouvoir. Il y a les nouveaux riches, toujours plus riches et les pauvres, plus pauvres.
La pauvreté fait tache d’huile, s’étend à tout le pays, affecte la majorité de la population. Les grognes sociales vont se reproduire avec plus de force et de manière coordonnée. Ali Bongo entend-il la colère des pauvres qu’il doit regarder dans les yeux pour mesurer leur détresse mais aussi les menaces de mécontentement, d’affrontement et de revendication ? Les inégalités ne sont pas réduites mais exacerbées et exigent la redistribution des richesses nationales. Mais il a fait du Gabon l’exemple d’une profonde injustice sociale.

La pauvreté d’accentue au Gabon.
Il n’est pas à l’écoute de la société dont le pouvoir d’achat ne fait que baisser d’année en année. Il y’a une rupture, une cassure entre d’une part une minorité jouissant d’un niveau de vie égal ou supérieur à celui des pays les plus riches de la planète, et de l’autre la majorité de la population dont le problème fondamental est de satisfaire ses besoins les plus élémentaires. A cette allure, une période d’instabilité s’ouvrira.