La situation sociale y est explosive. Les grèves observées dans tous les secteurs d’activité prouvent que tous les clignotants sont allumés. Chômeurs et précaires ne bénéficient pas des minima sociaux. Au lieu de mettre en place un système rédistributif, le pouvoir d’Ali Bongo a accaparé les ressources pourtant destinées à l’ensemble de la population.
Jonas MOULENDA
La pauvreté au Gabon n’est plus un mythe. Pour s’en persuader, il suffit de voir l’incapacité d’une grande majorité de la population gabonaise à satisfaire ses besoins alimentaires, l’incapacité à accéder aux besoins de santé, à accéder à la scolarisation, à se loger décemment, etc.
Toutes ces facettes de la pauvreté sont déjà observables aussi bien à Libreville et dans les autres villes du pays où la misère frappe à la porte. La pauvreté dans la société gabonaise est également perceptible par des phénomènes sociaux grandissants qui traduisent une crise sociale profonde. Le cas le plus probant est sans doute la prostitution des mineurs, l’homosexualité et les braquages.

Certains jeunes sont contraints de s’investir dans les braquages pour survivre.
La paupérisation s’est aggravée depuis la dernière élection présidentielle. Les Gabonais subissent des souffrances indicibles. La misère est devenue le lot quotidien de la population. Celle-ci est privée de la jouissance effective des droits sociaux et économiques suite à la mauvaise gouvernance et aux injustices criantes pratiquées par le régime d’Ali Bongo ainsi que l’opacité qui entoure la fixation des salaires, émoluments, dotations et autres primes des animateurs des institutions.
De fait, le Gabon traverse la plus grave crise financière jamais connue jusque-là. Même les commerçants ne font plus recette. Selon les jérémiades qui reviennent presque dans toutes les conversations, l’argent y est devenu très rare. Beaucoup d’opérateurs économiques qui faisaient de bons chiffres d’affaires tournent désormais à perte. La montée vertigineuse du chômage est venue accentuer la misère des Gabonais. «(…) Beaucoup de pères et mères de famille ont perdu leur emploi. Du coup, de nombreux ménagent tirent le diable par la queue », se désole Marc Ona Essangi, président de l’Ong Brainforest.
Même Bongoville, le fief d’Ali Bongo n’échappe pas à la misère.
Les potentialités économiques du pays prédisposaient les Gabonais à une protection sociale de haut niveau à même de résister aux effets conjugués de la crise et d’une croissance au mieux modeste même en période de récession. La situation du Gabon s’apparente aujourd’hui à celle d’une hirondelle qui, n’ayant pas bâti son nid en terre pendant la saison pluvieuse pense à le faire la saison sèche venue.
A l’allure où vont les choses, il est à parier que le Gabon connaîtra la même crise traversée par le Zimbabwe sous le règne de Robert Gabriel Mugabe ou celle d’Haïti. Le pays encourt une hyperinflation sans précédent. Si Ali Bongo s’endette indéfiniment pour payer les fonctionnaires, leur salaire ne leur servira à rien à terme. Or, les Gabonais ne veulent pas vivre dans le peu. Ils ne veulent pas vivre dans la misère. Ils veulent la prospérité. Comme tout peuple normal.

Les Gabonais aspirent à une vie meilleure.
Ces derniers temps, beaucoup de Gabonais vivent de l’assistanat. L’association des jeunes volontaires (AJEV), créée par Brice Laccruche Alihanga, directeur de cabinet d’Ali Bongo, multiplie des dons des denrées alimentaires et des produits pharmaceutiques dans certains quartiers de Libreville et à l’intérieur du pays. Mais ces dons ne suffisent pas à satisfaire les besoins de la population. « On ne demande pas l’assistanat. On demande une meilleure redistribution des richesses naturelles. Les dons c’est bon, mais les Chinois disent qu’il vaut mieux quelqu’un qui t’apprend à pêcher que celui qui te donne du poisson », estime un jeune leader de l’Union du peuple gabonais (UPG), un parti de l’opposition.
La misère frappe à toutes les portes, fors celles des gouvernants. Pour fuir la galère, des milliers de Gabonais ont déjà quitté le pays. Il peut sembler curieux que le meilleur remède aux maux du Gabon se trouve désormais hors de ses frontières, mais c’est aux migrations et aux envois d’argent depuis l’étranger que l’on peut imputer presque toute la réduction de la pauvreté de certaines familles restées au pays.