Sonia Minko, la compagne de l’ex-directeur de cabinet du tyran, a été mise aux arrêts, lundi dernier, dans le cadre de l’enquête sur le détournement des fonds publics ayant envoyé son compagnon en détention préventive.
Jonas MOULENDA
DEPUIS lundi dernier, Sonia Minko, 26 ans, compagne et mère des deux enfants de Brice Laccruche Alihanga, l’ex-directeur de cabinet d’Ali Bongo, en détention.préventive à la prison centrale de Libreville, est gardée à vue dans les locaux de la Contre-ingérence, communément appelée B2.
Selon une source proche du service de renseignement, la jeune femme aurait été interpellée dans le cadre de l’enquête sur le détournement des fonds publics et la corruption, commanditée par le gouvernement gabonais. De fait, la justice soupçonne Sonia Minko de connaître les différentes destinations prises par l’argent détourné par son compagne entre 2017 et 2019.
Depuis son arrestation, tout l’interrogatoire tourne autour de cette question. C’est d’ailleurs dans une villa construite par Brice Laccruche Alihanga et occupée par Raphaël Nze Minko, le frère aîné de sa compagne, que les enquêteurs avaient découvert une partie du magot détourné.
Le butin retrouvé chez les Alihanga boys fait le bonheur de la famille du despote. (Photo: Archives.)
Le parquet de Librevile est persuadé qu’une importante partie du butin est encore dans la nature. D’où évidemment l’interrogatoire musclé à laquelle la Contre-ingérence soumet la campagne de l’ex-ditecteur de cabinet d’Ali Bongo. « Elle connaît presque tous les circuits d’argent de son mari. Elle a toujours été sa confidente », a expliqué une source proche de l’enquête.
Le B2 a réussi à arracher des aveux à la compagne de Brice Laccruche Alihanga
Pour arracher des aveux à la jeune femme, les enquêteurs du B2 ont dû parfois utiliser la méthode forte, notamment a torture. In fine, Sonia Minko a craqué, dénonçant ainsi les planques d’argent qu’elle connaît. Une partie du magot pourrait se trouver en Guinée-Equatoriale, où Brice Laccruche Alihanga aurait investi chez sa belle-mère qui en est originaire.
C’est dans ce pays frontalier avec le Gabon que son beau-frère Raphaël Nze Minko, visé par un mandat d’arrêt international, s’est réfugié, au plus fort de la traque de tous les Alihanga boys. Peu avant sa fuite, Nze Minko avait indiqué aux enquêteurs le lieu où son beau-frère avait planqué l’argent à Libreville. C’était dans la villa qu’il occupait à Okala, dans le nord de Libreville.
Sur la base de ces informations, les enquêteurs s’étaient transportés sur les lieux pour une fouille minutieuse de la villa. Ils avaient déterré plusieurs coffres-forts contenant des milliards de F CFA. Cet argent n’a malheureusement pas été rendu au Trésor public. Il a plutôt fait le bonheur d’Ali Bongo, de son épouse, Sylvia, et de leur fils Nourredin Bongo.
Aujourd’hui, ce trio mène une véritable traque de tous ceux qui peuvent aider les enquêteurs à retrouver le reste du butin. Dans ce schéma, la gestapo du régime aurait reçu l’ordre de recourir à toutes les pratiques leur permettant d’arracher la moindre brisde d’information sur les planques du magot. C’est ainsi que le B2 et la direction générale de recherche (DGR), les deux entités chargées de l’enquête, utilisent la torture.
Toute chose qui remet sur le tapis la situation des droits de l’Homme au Gabon. De nombreux citoyens parmi lesquels des opposants ainsi qu’Alihanga et ses compagnons subissent des sévices corporels dans les lieux de détention. Les commissariats de police et les brigades de gendarmerie sont devenus les lieux par excellence de la torture. Or, celle-ci est rigoureusement interdite par la législation internationale.
Cette interdiction est consacrée par tous les importants instruments internationaux des droits de l’homme et humanitaires en tant que principe absolu et auquel il n’est pas possible de déroger. Cela veut dire qu’aucun Etat n’est autorisé à restreindre temporairement l’interdiction de la torture et cela quelles que soient les circonstances, pendant une période d’instabilité politique interne ou dans une situation d’urgence publique.
L’interdiction de la torture est également reconnue comme une norme péremptoire du droit international. Autrement dit, elle prime toute disposition contraire de tout autre traité ou de toute disposition du droit coutumier. A l’instar des autres instruments internationaux et régionaux des droits de l’homme, la Charte africaine des Droits de l’Homme et des Peuples consacre l’interdiction absolue de la torture en son article 5, qui dispose ainsi qu’il suit :
« Tout individu a droit au respect de la dignité inhérente à la personne humaine et à la reconnaissance de sa personnalité juridique. Toutes formes d’exploitation et d’avilissement de l’homme notamment l’esclavage, la traite des personnes, la torture physique ou morale, et les peines ou les traitements cruels inhumains ou dégradants sont interdites. »
Il y a donc nécessité impérative de combattre et de prévenir la torture et les autres formes de mauvais traitement. Malgré cette interdiction absolue, il est établi que le Gabon n’est pas à l’abri des pratiques assimilables à la torture ou à des mauvais traitements. Cependant, ce qui diffère d’un lieu de détention à l’autre c’est l’intensité et l’ampleur de ces pratiques.