Matins d'Afrique

Gabon: ces cadres qu’Ali Bongo a mis sous l’éteignoir

Il est reproché à Ali Bongo une certaine ingratitude à l'égard de ses piliers.

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Avec l’arrivée au pouvoir d’Ali Bongo, en 2009, d’aucuns avaient espéré mener ou continuer une carrière politique ou administrative prometteuse. Mais il n’en fut rien. Dès son accession à la magistrature suprême, le despote a décapité toute l’administration gabonaise, catapultant une bande de profito-situationnistes. Au grand dam de ceux qui l’ont aidé à prendre le pouvoir.

Jonas MOULENDA

Dès son arrivée au pouvoir, Ali Bongo s’est fait remarquer par un nettoyage à la limite de l’ingratitude, à l’égard des cadres qui dirigeaient les différentes administrations. En une journée, il a enlevé 400 cadres et les a remplacés par des personnes qui lui présentaient une garantie de loyalisme.

C’était le début du printemps des profito-situationnistes. Du planton, agent, cadre subalterne et supérieur, proche, ami et beaux-parents, chacun a trouvé sa place  à la mangeoire. Progressivement, le nouvel homme fort du Gabon  a mis sous l’éteignoir tous ceux qui tenaient solidement le régime créé par son père, l’ont aidé à prendre le pouvoir en 2009 et à le conserver en 2016.

Ali Bongo. Un dirigeant ingrat.

Ces cadres, jadis sous les projecteurs de l’actualité, ne sont plus aujourd’hui que l’ombre d’eux-mêmes. Envoyés à la retraite politique de manière anticipée, ils se tournent les pouces à la maison. De fait, ils ont amorcé une longue et lente descente aux enfers. D’après nos informations, certains d’entre eux ne parviennent à tenir encore que grâce à quelques appartements en location permettent d’assurer les charges quotidiennes. « Ce régime est ingrat envers ses serviteurs. Nous avons toujours maillot mais ce que nous avons récolté est décourageant », se désole un ancien apparatchik du régime.

DÉÇUS DU RÉGIME.  Leur carrière politique s’est subito transformée en véritable cauchemar.  Cette expérience a changé leur vision de la politique sous le règne d’Ali Bongo et refroidi leur ambition de servir son régime. Au risque de leur vie, ils bravaient les dangers de la politique pour soutenir l’apprenti-monarque. Malheureusement, ils ont été remerciés. L’une des principales causes de leur mise à l’écart est qu’ils ne faisaient pas allégeance à Maixant Accrombessi, gourou du tyran, et distributeur de strapontins pendant le premier mandat de ce dernier. Certains d’entre eux, qui  brillaient par des dithyrambes en faveur d’Ali Bongo commencent à dire tout le mal qu’ils en pensent désormais au fond d’eux.

Au premier rang de déçus du régime, qui se mordent les doigts aujourd’hui, figure  Jean-François Ndongou, ministre de l’Intérieur au moment de l’élection présidentielle ayant permis à Ali Bongo d’accéder au pouvoir. Natif de Mandji, le chef-lieu du département de Ndolou, dans la province de la Ngounie (sud),  il est pourtant l’artisan du premier hold-up militaro électoral du fils adoptif d’Omar Bongo. Contre la volonté des siens – qui avaient majoritairement voté l’opposition en 2009 – Jean-François Ndongou avait proclamé Ali Bongo vainqueur.

Jean-François Ndongou qui a joué un rôle capital dans l’accession d’Ali Bongo au pouvoir est désormais aux oubliettes.

Mais la reconnaissance a été en deçà de ses attentes. Après lui avoir donné un dernier maroquin, à savoir le Conseil national de la Communication (CNC), aujourd’hui Haute autorité de la Communication (HAC), le despote l’a finalement mis sous l’éteignoir. Rien ne dit qu’il l’aidera à occuper un poste électif dans son fiel politique de Mandji, où d’aucuns le verraient bien sénateur à cause de sa grande expérience politique et de sa sagesse.

OBJUGATIONSMarcel Abeké, l’ancien président-directeur général de la Compagnie minière de l’Ogooué (Comilog), filiale du groupe français Eramet, a subi le même sort. Ali Bongo avait dépêché Maixant Accrombessi au siège du groupe à Paris pour réclamer la tête d’Abéké. « Ils avaient donné 48 heures au patron du groupe Eramet pour le virer, ce qui a été fait », a confié une source proche du palais présidentiel.  Le patron du groupe français, visiblement gêné aux entournures, n’a pas eu d’autre choix que de nommer Marcel Abéké au poste  directeur exécutif auprès du PDG du Groupe ERAMET-France.

Marcel Abeké avait été viré de Comilog à la demande d’Ali Bongo.

Le dictateur gabonais a réservé le même sort à Philibert Andzembé, ex-directeur général de l’Office des ports et rades du Gabon (Oprag). Après avoir été promu gouverneur de la Banque des Etats de l’Afrique centrale (BEAC), à la suite du départ de Jean-Félix Mamalépot, l’homme a vu sa carrière basculer. Ali Bongo a  demandé aux autres Chefs d’Etat de la sous-région de le virer. Ils ont finalement cédé à ses objurgations quelques jours plus tard.

Le dictateur a déjà programmé la messe de requiem politique pour Richard Auguste Onouviet. Ce dernier ne voit que du feu ces derniers temps. Il a armé Denise Mekame et Liban Soleiman pour le déstabiliser dans son fief politique de Lambaréné. L’objectif est de lui arracher le bifteck de l’Assemblée nationale qu’il tient à la bouche. C’est ainsi qu’ils ont mis sur son chemin Joël Ogouma, le pion direct du père de Liban Soleiman, Idd Abdi.

Richard Auguste Onouviet est aussi dans l’œil du cyclone.

Gervais Oniane,  ex-conseiller stratégique au ministère de la Défense sous Ali Bongo ne garde pas un bon souvenir de ce dernier, du reste, parrain de son premier mariage. A la suite d’une brouille, l’ancien ministre de la Défense d’Omar Bongo lui a donné un ultimatum de quinze minutes pour libérer le bureau qu’il occupait au ministère. Depuis lors, M. Oniane, qui a tenté de revenir sur la scène politique, est sous l’éteignoir.

Idem pour Serge Abessolo et Joseph Françoise, qui étaient au protocole d’Etat. Malgré les efforts consentis pour porter Ali Bongo au pinacle, ils ont été remerciés comme des pestiférés, à la suite des ragots parvenus jusqu’aux oreilles du tyran. Même situation pour Angélique Ngoma, ancien ministre des Affaires sociales d’Omar Bongo, native de Mayumba, dans la province de la Nyanga (sud). Brillante femme, jadis pilier du Parti démocratique gabonais (PDG), au pouvoir, elle a été mise au garage.

Angélique Ngoma est sous l’éteignoir.

Il en est de même pour Rufin Pacôme Ondzounga, Jean-Pierre Oyiba, tous deux victimes de la vendetta du pouvoir. Alexis Boutamba Mbina médite aussi sur son sort. Tout comme Gabriel Tchango. Les démêlés de ce dernier avec Ali Bongo auraient commencé le jour où il a osé lui rappeler qu’il lui avait prêté de l’argent pour sa campagne électorale en 2009. Germain Ngoyo Moussavou, ex-ambassadeur du Gabon en France se trouve, lui aussi, au garage. Le despote gabonais a profité de son âge de la retraite pour se débarrasser de lui, qui fut pourtant un de ses grands piliers. En fera-t-il un sénateur ? Rien n’est moins sûr.

Germain Ngoyou Moussavou

Une femme qu’on peut considérer comme guigneuse est l’ancienne parlementaire Charlotte Nkero Mougnioko. Pilier du PDG à Mouila et  dans le canton Dikoka, cette femme issue de l’ethnie  tsogho a, maintes fois, reçu la promesse d’être nommée au gouvernement. Mais ses efforts et sa fidélité n’ont jamais été récompensés. Senturel Ngoma Madoungou n’en est pas moins malchanceux. Ali Bongo s’est servi de son cadet Alfred Edmond Nziengui Madoungou,  exécutant des assassinats avec prélèvement d’organes, pour l’éteindre politiquement à Mimongo, le chef-lieu du département de l’Ogoulou. La pipe qui consume le tabac finissant par être consumée par le tabac, Nziengui Madoungou a été, à son tour, remercié, malgré tous les crimes commis à l’instigation du pouvoir.

Le dictateur gabonais s’est également montré ingrat à l’égard de son fils spirituel Magloire Ngambia, Etienne-Dieudonné Ngoubou et Pascal Oyougou, respectivement anciens ministres des Travaux publics, du Pétrole et directeur général de l’Agence se sécurité et de navigation aérienne (Asecna). Il a envoyé au mitard les deux premiers cités pour des malversations supposées, tant qu’il a fait incarcérer le troisième pour son militantisme dans l’opposition radicale. Il en est de même pour son ex-homme à tout faire, Bertrand Zibi Abeghe, arrêté au soir du hold-up militaro électoral du 31 décembre 2016.

Alfred Mabika Mouyama, ancien P-DG de la Poste

GESTION DES HOMMES. Le despote n’aura pas été tendre à l’égard de l’ex-patron de Gabon Poste, Alfred Mabika Mouyama, natif de Mouila. Malgré tous les services rendus et la restructuration de l’entité qu’il lui a avait confiée, le dictateur gabonais l’a viré comme un malpropre. Il continue son exil parisien au cours duquel il  a sorti deux livres sur la gestion de la Poste et son enfance dans son Mouila natal. Un autre jeune cadre dynamique éteint par Ali Bongo est Félix Bongo, natif de Bongoville, qui a pris le chemin escarpé de l’exil sous Omar Bongo et qui n’a pas été ménagé par le successeur de ce dernier.

Philippe Nzengué Mayila est aussi au garage.

Flavien Nzengué Nzoundou, ancien ministre, Christian Bongo, ancien directeur général de la Banque gabonaise du développement (BGD), François Engonga Owono, ancien ministre, Philippe Nzengué Mayila, ancien ministre, Pacôme Moubelet Boubeya, ancien ministre, et François Omouala, natif de Kabaga et de Bongoville, PCA d’ADL, ont du mal à remonter à la surface. L’ancienne responsable de l’UFPDG, Christelle Lembourg, quant à elle, ne doit son poste de secrétaire général du ministère de transport qu’à ses relations personnelles. Ali Bongo l’avait déjà affectée au garage comme son compagnon politique Vivien Amos Péa. L’artiste Vyckos Ekondo, grand pilier spirituel d’Ali Bongo, a subi l’ingratitude de ce dernier. Il a été éjecté de la présidence de la République en même temps que de nombreux autres conseillers.

Christelle Lemboug

La  gestion des hommes par Ali Bongo a conduit à son autoflagellation et multiplié les départs de nombreux de ses piliers du pouvoir. Il s’agit de : Jean Norbert Diramba (ancien ministre, ancien sénateur, directeur général de la société publique Spin jusqu’en juillet dernier, avant de démissionner), Dominique Guy Noël Nguieno (ancien ministre, ancien conseiller spécial du chef de l’État), Martin Zoguélé Mensah (ancien ministre, ancien député), Gabriel Pambo (ancien membre du secrétariat exécutif du PDG), Joseph Bill Mamboungou (universitaire, ancien ambassadeur), Martin Moulengui Mabende (député de la Ngounié), Charles Mba (ancien ministre), Jean-François Ntoutoume Emane et Raymond Ndong Sima (tous deux anciens Premiers ministres) , Alfred Nguia Banda, ancien directeur général de la Société gabonaise d’entreposage de produits pétroliers (SGEPP), et tutti quanti.

Alfred Nguia Banda, passé dans l’opposition radicale.

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