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Gabon: Bataille mystique entre Maixent Accrombessi et Liban Suleiman pour le contrôle d’Ali Bongo

Accrombessi et Suleiman rivalisent de fétichisme pour contrôler l'âme et l'esprit d'Ali Bongo.

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L’exercice des fonctions politiques au Gabon se fait d’un compagnonnage avec les forces occultes. Ainsi, les deux collaborateurs du dictateur gabonais s’affrontent par marabouts interposés pour mériter la confiance totale de leur mentor. Ces derniers mois, l’on assiste à un véritable ballet des féticheurs à Libreville, chargés d’officier des rituels de renforcement de leur influence auprès du chef.

Karelle EBINA

EN ce début du mois d’octobre, la chaleur nocturne succède aux belles journées ensoleillées. Libreville, la capitale gabonaise, est calme. Pas de manifestation de l’opposition. Pas d’émeutes. Une atmosphère qui contraste avec celle du mois d’août écoulé.

Après des manifestations tous azimuts aux allures d’une répétition générale, l’opposition semble au repos. Elle recharge les batteries. Un calme qui cadre bien avec l’univers de travail des marabouts à la solde des clans rivaux du pouvoir, qui s’affrontent à fleurets mouchetés. Tard dans la nuit, les fameux féticheurs arpentent les avenues et les grands carrefours de Libreville pour y implanter des amulettes.

Des amulettes déposées nuitamment à un carrefour à Angondjé, au nord de Libreville.

Selon une source proche des services spéciaux de la présidence de la République gabonaise, les deux grands protagonistes sont le Béninois Maixant Accrombessi et le Somalien Liban Suleiman, respectivement Haut représentant personnel d’Ali Bongo et coordonnateur du plan stratégique Gabon émergent.

Les deux rastaquouères s’affrontent par marabouts interposés, l’enjeu étant la conquête de la confiance totale d’Ali Bongo. Le premier septennat du despote a été marqué par la prédominance de Maixent Accrombessi sur tous les autres membres du cabinet présidentiel. Mais depuis le hold-up électoral du 31 août 2016, Liban Suleiman a décidé de supplanter le Béninois. « On le soupçonne même d’être à l’origine de la mystérieuse maladie qui a foudroyé Accrombessi pendant la campagne électorale », relève un autre collaborateur d’Ali Bongo, précisant que le Somalien pâlissait de jalousie lorsque le distributeur de strapontins déléguait tous les pouvoirs à Accrombessi.

Pour être aux premières loges, Liban Suleiman aurait mis à contribution sa mère Sadia, dotée d’une grande expérience de fétichisme. Sous Omar Bongo, c’est elle qui allait jusqu’en Inde pour recruter des féticheurs. Aujourd’hui, la famille Suleiman dispose d’un maître spirituel qu’elle connaît depuis le règne de l’ancien président gabonais. « C’est lui qui fait tous les travaux spirituels de cette famille. Lorsqu’il s’agit d’une affaire compliquée, il prend l’avion et va voir d’autres experts à l’étranger », explique une ex-compagne de Liban Suleiman.

La mère de Liban, son oncle Madi et le marabout de la famille.

METEQUES EN QUETE D’ENRICHISSEMENT. L’objectif de ce dernier et de ses parents est d’avoir une mainmise sur l’économie gabonaise qu’elle contrôle déjà à moitié grâce à son omniprésence dans tous les secteurs d’activités. « Liban Suleiman et ses parents ont au moins une trentaine de sociétés. Liban profite de sa position à la présidence de la République pour prendre les marchés les plus juteux. Il fait tout pour tuer les entreprises gabonaises. Il fait la part belle à ses propres sociétés, à celles de son oncle Madi et de son père Suleiman », confie un haut fonctionnaire du Trésor public gabonais, non sans dénoncer un conflit d’intérêt.

L’enjeu de la guerre mystique entre Accrombessi et le Somalien est donc la mainmise sur les leviers de l’enrichissement. Les deux rastaquouères, estime-on à Libreville, ont trouvé une terre favorable leur mafia. Le Haut représentant personnel d’Ali Bongo ne croise pas les bras devant la guérilla mystique que lui livre désormais Liban Suleiman. Le mois dernier, il a débarqué avec une vingtaine de marabouts à Libreville pour renforcer non seulement le pouvoir de son mentor, mais aussi son influence, après la mystérieuse maladie qui l’a contraint à s’absenter du Gabon pendant plusieurs mois.

Maixent Accrombessi et Liban Suleiman ont recours à des pratiques fétichistes, convaincus qu’amulettes, talismans et poudres de perlimpinpin faites à base d’organes humains ont le pouvoir de forcer le destin en favorisant leur rayonnement aux côtés du dictateur Ali Bongo, le principal distributeur de strapontins. « Le patron fait trop confiance à ces deux étrangers, oubliant qu’ils ne sont là que pour s’enrichir. Ce sont même eux qui gaspillent sa politique parce qu’ils détournent tous les fonds destinés aux marchés publics », se désole un conseiller du despote.

Même Joséphine Kama, la mère d’Ali Bongo, est excédée par la naïveté de son fils, qui se fait manipuler par des métèques en quête d’enrichissement. D’après une source proche de la famille, elle aurait fait venir des féticheurs gabonais pour officier un rituel visant à ‘’délivrer son esprit emprisonné ‘’ par ses collaborateurs. Mais ces derniers reviennent à la charge pour continuer à avoir de l’ascendance sur lui. « Les féticheurs que Maman Patience a fait venir ont fait vomir le président ce que ses collaborateurs lui avaient fait manger. Mais on dirait qu’ils l’ont encore envoûté », a expliqué une cousine d’Ali Bongo.

 

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