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Une enquête menée par 600 journalistes d’investigation du monde entier met en cause le despote gabonais, parmi les trente-cinq chefs d’État et de gouvernement cités.

Jonas MOULENDA 

OUTRE  le Premier ministre tchèque, le roi de Jordanie ou les présidents du Kenya et d’Équateur, Ali Bongo a dissimulé des avoirs dans des sociétés offshore à des fins d’évasion fiscale.

C’est ce que révèle l’enquête publiée dimanche par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ). L’enquête baptisée «Pandora Papers» – à laquelle ont collaboré  600 journalistes – s’appuie sur quelque 11,9 millions de documents, qui proviennent de 14 sociétés de services financiers, et a mis au jour plus de 29.000 sociétés offshores.

Selon ces documents, le roi Abdallah II de Jordanie a créé au moins une trentaine de sociétés offshore, c’est-à-dire dans des pays ou territoires à fiscalité avantageuse.

Par le biais de ces entités, il a acheté 14 propriétés de luxe aux États-Unis et au Royaume-Uni, pour plus de 106 millions de dollars. Sollicitée par l’AFP, l’ambassade de Jordanie à Washington a indiqué qu’un communiqué serait publié plus tard dimanche.

Quant au premier ministre tchèque, Andrej Babis, il a placé 22 millions de dollars dans des sociétés écran qui ont servi à financer l’achat du château Bigaud, une grande propriété située à Mougins, dans le sud de la France.

Ali Bongo a utilisé le même procédé dolosif et mafieux. Il était assisté dans ses manœuvres déloyales par son homme-lige Maixant Accrombessi. Les deux filous ont créé plusieurs sociétés offshores leur ayant permis d’aspirer des centaines de milliards de F CFA.

Le despote gabonais et son comparse béninois ont vidé les caisses de l’État.

Depuis l’arrivée au pouvoir d’Ali Bongo en 2009,  le Gabon traverse une crise financière sans précédent. Les ressources financières semblent avoir tari. Or, l’Etat a besoin des fonds pour financer les infrastructures routières, renouveler ses équipements, payer les fonctionnaires, etc. L’oligarchie cleptomane en place a mis le grappin sur l’argent du contribuable, l’envoyant dans les plaques tournantes d’une économie souterraine axée sur des capitaux non réglementés.

Pour réussir sa mission funambulesque de spolier l’Etat, le despote mafieux a mis en place un comité de trésorerie dont le président était son directeur de cabinet. Les autres membres étaient les ministres du budget, de l’Economie, le directeur du budget, directeur général des services du Trésor et le directeur général du contrôle des ressources.

Cette organisation pyramidale leur a permis de détourner plusieurs centaines de milliards de F CFA, qu’ils envoyaient ensuite dans les paradis fiscaux sur les petites îles tropicales des Caraïbes  et dans les principautés de l’aristocratie européenne comme Monaco, à Dubaï, au Panama, aux îles Fidji,à Singapour, à Beyrouth, au Bahamas et en Guyane.

Ces paradis fiscaux sont apparus comme des eldorados des banques contrôlées par la mafia cleptomane, les sociétés-écrans, leur cohorte  d’avocats et de comptables.De fait, Ali Bongo et ses collaborateurs mafieux ont utilisés des sociétés-écrans immatriculées en Europe, en Asie et aux Etats-Unis pour cacher  et  blanchir  l’argent volé au Gabon.

DES CENTAINES DE MILLIARDS

Cette situation est favorisée par la souplesse de plusieurs États de ces continents. En effet, ilspermettent de créer une société sans avoir à révéler l’identité de son réel ayant-droit, offrant un anonymat total qui a été utilisé par l’oligarchie gabonaise. Celle-ci a également recouru à sociétés offshore qui ont le triste privilège d’offrir la seule méthode de blanchiment d’argent où l’opacité est garantie.

Selon nos sources, le despote et ses acolytes utilisaient des sociétés-écrans et des prochespour ouvrir des comptes bancaires à l’étranger. Ils sont donc impliqués dans un énorme trafic d’enrichissement frauduleux et de blanchiment d’argent sale. Ce sont des centaines de milliards de F CFA qui ont été blanchis par des banques étrangères. Certaines manœuvres mafieuses étaient facilitées au départ du Gabon  par Bgfi Bank, dirigée par un obligé d’Ali Bongo.

D’après une source proche de la présidence de la République, cette banque avait hébergé une somme de 20 000 milliards CFA, déposée la veille de l’élection présidentielle du 27 août 2016 par MaixantAccrombessi. Cette manne, initialement présentée comme le fonds de la campagne d’Ali Bongo, aurait ensuite pris une autre destination. « Elle a été transférée vers un compte à l’étranger ouvert par Accrombessi », explique la source, précisant que le dictateur gabonais était informé de cette transaction.