Matins d'Afrique

Élections législatives, le dernier piège d’Ali Bongo

Derrière ce sourire forcé se cache une ingratitude déconcertante.

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Le gouvernement de l’imposteur a décidé d’organiser les élections législatives le 6 et le 27 octobre prochain, le mandat des députés ayant expiré depuis février dernier. Mais une frange de l’opposition est réfractaire à toute participation à ces consultations électorales. Elle les perçoit comme une occasion de légitimer le pouvoir du despote et de tourner la page de l’élection présidentielle.

Jonas MOULENDA

LES élections législatives auront lieu le 6 et le 27 octobre prochain au Gabon. Le gouvernement des putschistes tient à renouveler le mandat des députés, arrivé à expiration depuis le 15 février dernier. Outre un fort taux d’abstention prévisible, la grande inconnue reste la participation de l’ensemble de l’opposition gabonaise à ces consultations électorales.

Le vrai vainqueur de la présidentielle de 2016 n’entend pas cautionner la forfaiture de son adversaire

Si le partis « Les Démocrates » et Héritage et Modernité ont déjà annoncé leur intention de participer à ces élections législatives, il n’en demeure pas moins que la Coalition pour la nouvelle République dirigée par Jean Ping et dont font partie ces deux formations politiques s’y montre réfractaire. L’opposant Jean Ping, le vrai vainqueur de l’élection présidentielle du 27 août 2016 est farouchement opposé à toute participation à ces élections.

Ses piliers Jean Eyeghe Ndong, Jean-François Ntoutoume Émane, Didjob Divungi Di Ndinge et Vincent Essone Mengue se sont résolument rangés derrière lui, refusant de donner une caution morale à la forfaiture d’Ali Bongo. Ces madrés de la politique gabonaise sont conscients que ces élections législatives sont le dernier piège d’Ali Bongo tendu à l’opposition pour légitimer son pouvoir qui n’est pas l’émanation du peuple gabonais.

Ces quatre madrés de la politique gabonaise se rangent derrière Jean Ping pour boycotter les législatives.

Le principal enjeu de ces consultations électorales réside dans la participation. Le pouvoir l’a très bien compris et usera de tous les moyens à sa disposition pour tenter de convaincre les Gabonais d’aller voter. En termes d’image, ce serait catastrophique pour ce régime à bout de souffle d’afficher un taux de participation inférieur à 30%. Aujourd’hui, être en dessous du seuil des 30% signifierait que l’Assemblée n’a absolument aucune représentativité.

CHAMBRE D’ENREGISTREMENT. Concernant le Parti démocratique gabonais (PDG), le nombre de sièges qu’il obtiendra ne présente en réalité que peu d’intérêt. Ces élections ne serviront ni à avoir une idée précise des rapports de force politiques internes du pays, ni à élire des gens représentatifs de la société gabonaise. Elles auront plutôt une fonction d’affichage et de communication car elles ont vocation à être diffusées à l’extérieur du Gabon par le pouvoir.

Le régime dictatorial, auréolé par la tenue de ces élections, ne manquera pas de déclarer : «La page de l’élection présidentielle est tournée ; nous venons d’organiser des élections législatives dans la transparence, l’opposition y a participé ; tout s’est bien passé. » De fait, le PDG a un jeu de répartition des tâches avec l’opposition, l’autre le sérail gabonais. Mais la question de savoir qui sortira majoritaire de ce scrutin n’est vraiment pas l’enjeu principal de ce rendez-vous électoral.

Le dictateur veut se servir de ces élections législatives pour se faire une légitimité

Ces élections législatives permettront donc juste de gérer le statu quo et éventuellement, dans l’hypothèse positive, de donner une indication sur la manière dont pourrait se dérouler la succession d’Ali Bongo, de plus en plus poussé vers la porte de sortie par une crise politique sans précédent. En définitive, les deux seuls enjeux sont donc la participation et l’éventualité de fournir un baromètre quant à l’alternance démocratique dans un avenir proche ou lointain.

La récente révision constitutionnelle n’octroie pas une nouvelle dimension aux élections législatives. Car, elle donnera davantage de prérogatives au président de la République. Dans les faits, l’Assemblée nationale restera simplement et malheureusement une chambre d’enregistrement. Cela est principalement dû au fait que bon nombre de députés ne seront pas élus mais catapultés par le pouvoir animé par la volonté d’avoir une base dans certaines circonscriptions électorales comme celles du Haut-Ogooué. Cela ne leur donnera donc ni une légitimité, ni une assise sociale qui permettent de s’exprimer en s’appuyant sur des électeurs.

Les Gabonais estiment que leur vote ne compte plus.

DÉSAMOUR POLITIQUE. Ainsi, on observe toujours une distorsion entre les textes et les faits. Or, il est préférable de s’attacher aux réalités plutôt qu’aux mots. Et la réalité, c’est que malgré la réforme constitutionnelle initiée par Ali Bongo, le Parlement n’aura pas la légitimité de représentativité qui devrait être la sienne.
Pour toutes les raisons déjà évoquées, les Gabonais se sont depuis longtemps détournés de la politique. À partir du moment où les élections ont une fonction de représentation du régime et non pas de représentativité de la société, pourquoi les citoyens se mobiliseraient-ils ? Ils disent constamment que la politique ne sert à rien, que les élus ne sont là que pour se servir eux-mêmes, etc.

Ali Bongo se maintient au pouvoir par la force alors qu’il a été battu par l’opposant Jean Ping et qu’il n’a pas de légitimité. Face à un président illégitime et cette absence de blanc-seing du peuple, les Gabonais s’estiment humiliés et ne se sentent donc plus concernés par la vie politique. Ils ne manqueront pas d’exprimer leur désamour politique lors des prochaines élections législatives, dernier piège tendu à l’opposition par Ali Bongo, après l’échec du dialogue politique, l’année dernière.

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