Partager l'article

De 2002 à 2008, la fille aînée d’Omar Bongo a dirigé le Gabon. Elle a réussi l’exploit de faire nommer son concubin Paul Toungui ministre des Finances, et son comparse, Blaise Louembé, Trésorier-payeur général. Elle a créé une véritable pègre qui a fait main basse sur les finances publiques. Chronique d’une gabegie savamment orchestrée.

Jonas MOULENDA

LES finances publiques, véritable sang de l’Etat, ont beaucoup coulé entre 2002 et 2008, période pendant laquelle Pascaline Bongo, fille aînée d’Omar Bongo, a eu de l’ascendance sur tous ceux qui tenaient les cordons de la bourse au Gabon.

Pour satisfaire ses appétits pécuniaires gargantuesques, elle avait pris le soin de faire nommer, à la tête du ministère des Finances, son compagnon Paul Toungui. Ce dernier avait déjà eu à occuper le même poste après le départ de Jean-Pierre Lemboumba Lepandou, un autre membre du clan Bongo, passé dans l’opposition au lendemain du printemps démocratique de 1990.

Pour mieux contrôler les leviers des finances publiques, Pascaline Bongo a catapulté son acolyte Blaise Louembé au poste de Trésorier-payeur général. Ce dernier était le directeur technique et pilier du gang mis en place par la fille aînée du président de l’époque. Il faisait des missions jusqu’à Los Angeles pour lui apporter des fonds. « Louembé était le bras droit de Pascaline Bongo. A partir de 2002, elle a dirigé le Gabon parce qu’elle a réussi l’exploit de faire nommer Paul Toungui à nouveau ministre des Finances. Ce qui n’était jamais arrivé dans notre pays, » a expliqué une source proche du Trésor public.

«Le fait d’avoir pesé de tout son poids pour que Paul Toungui soit nommé ministre des Finances et Louembé Trésorier-payeur général a fait que Pascaline Bongo, fille aînée et directeur de cabinet du président de la République, s’est mise à donner directement des ordres aux décideurs financiers de l’Etat. Louembé était son principal interlocuteur parce que c’est lui qui avait la caisse. Elle a transformé le compte de l’Etat en annexe de son compte personnel », a renchéri la source.

MILLIARDAIRES. Quand Pascaline voulait acheter des véhicules, louer des avions ou organiser une cérémonie privée, par exemple, c’est le Trésor public qui payait les factures. « Elle a véritablement créé une chaîne de détournement des fonds publics au sein du ministères des finances. Dans son cabinet à elle, les responsables de cette chaîne c’étaient les enfants de son ex-compagnon Jean Ping. Vous avez entendu parler de Sino Hydro. Toutes les voitures données aux enfants de Ping étaient achetées par le Trésor public », a confié un autre agent du ministère des Finances.

Juste Valère Okologo

De 2002 à 2008, tous les décideurs financiers du Gabon se sont enrichis à outrance, devenant ex nihilo milliardaires. Outre Paul Toungui et Blaise Louembé, le gang de Pascaline Bongo avait d’autres membres qui menaient un véritable brainstorming pour faire saigner les finances publiques. On cite, entre autres, Juste-Valère Okologo, directeur général du budget, Jeff Bongo, son demi-frère, Régis Immongault, conseiller financier du ministre, Dieudonné-Claude Dibady Mayila, chargé des marchés publics.

Le vaguemestre principal de Pascaline Bongo était Luther Abouna. Il était chargé de toutes les opérations financières. D’ailleurs, l’opposant Bertrand Zibi, incarcéré à la prison centrale de Libreville, l’avait cité comme le chargé des transactions financières pour les actions politiques du régime au plus fort de la fronde menée par les partisans de l’opposition. Abouna est devenu un grand propriétaire immobilier à Libreville grâce à l’argent détourné lors des commissions.

A partir de 2008, Pascaline Bongo, qui ne trouvait plus en Paul Toungui un facilitateur des détournements des fonds et sentant la mort prochaine de son père Omar Bongo, a fait virer son compagnon du ministère des Finances pour le remplacer par Blaise Louembé. Son gang remanié a continué à piller les finances publiques jusqu’en 2009, année au cours de laquelle son frère Ali Bongo a accédé aux manettes de l’Etat.

DELITS D’INITIES. Ali Bongo a démantelé son gang, mais il a gardé son directeur technique Blaise Louembé à ses côtés pour que l’argent volé n’aille pas servir à financer l’opposition grandissante. Le dictateur gabonais a installé sa propre pègre avec pour cerveaux Mexant Accrombessi et Liban Soleman. Marginalisé par sa sœur aînée à l’époque de son père, le despote a décidé de prendre sa revanche, se servant à volonté dans les caisses de l’Etat.

Il a refusé de payer les factures de location d’avions de sa sœur non pas parce qu’il trouve qu’il s’agit des dépenses personnelles, mais parce qu’elle l’avait exclus de son cercle mafieux. Il fait comme sa sœur aînée dont le gang aura détourné plus de 1 000 milliards de F CFA du contribuable gabonais. Au demeurant, Pascaline Bongo et les autres membres de son gang étaient dénués de tout patriotisme.

En toute impunité, ils ont commis des délits d’initiés aussi pires que ceux des gestionnaires cupides de l’administration de son frère. Mais ils sont protégés parce qu’ils assurent la survie du régime obsolète et corrompus de ce dernier. Ils bénéficient notamment d’une immunité qui ne dit pas son nom. En retour, ils sont dévoués au pouvoir et appliquent toutes les directives émanant du tyran ou de ses proches collaborateurs.