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Gabriel GOUMBI

LA grave crise politique et institutionnelle que traverse le Gabon depuis l’élection présidentielle du 27 août 2016 et le rejet populaire sans cesse grandissant d’Ali Bongo favorisent la guerre entre factions au sommet de l’Etat gabonais.

Si les hiérarques du Parti démocratique gabonais (PDG), au pouvoir, se sont montrés discrets et disciplinés depuis le scrutin présidentiel, certains d’entre eux, réunis au sein du courant politique baptisé Mogabo, piaffent d’impatience pour supplanter Ali Bongo à la tête du pays. Ils estiment que ce dernier a déjà entonné le chant du cygne.

L’impopularité du despote gabonais fait saliver Pacôme Moubelet, Alain-Claude Billie-By-Nze, Ali Akbar Onanga, Blaise Louembet, Simon Ntoutoumane Emane Denise Mekame et tutti quanti. Selon une source proche du cabinet présidentiel, les membres du Mogabo auraient juré, la main, sur le cœur de ne jamais céder le pouvoir à qui que ce soit, s’il arrivait qu’Ali Bongo abdique devant la pression du peuple et de la communauté internationale.

Ils estiment que c’est grâce à eux que leur mentor politique chancelant tient encore sur ses guibolles. Ils disent à qui veut l’entendre que ce sont eux qui ont convaincu Ali Bongo de rester au pouvoir après sa débâcle à l’élection présidentielle face à l’opposant Jean Ping. « Pour eux, il est hors de question de céder le pouvoir à une personne autre qu’un membre de leur courant politique. Ils réfléchissent à toutes les possibilités de mettre Ali Bongo de côté », confie la source.

De fait, les membres du Mogabo lorgnaient le fauteuil d’Ali Bongo peu avant la dernière élection présidentielle. Impatients de prendre le pouvoir, ils avaient réfléchi à une série d’actes préjudiciables à leur mentor politique. Certaines de leurs sorties tant décriées, a relevé la source, n’avaient pour objectif que de contribuer à discréditer davantage Ali Bongo et amener les Gabonais à le haïr davantage. « Ils avaient décidé de pourrir le fruit de l’intérieur », a conclu la même source.
Informés de certaines tractations menées en tapinois, les hiérarques du PDG font la baboune tombante. Les membres du Mogabo et eux s’affrontent à fleurets mouchetés. L’ancien ministre de la Défense nationale, Mathias Otounga Ossibadjouo, aujourd’hui muté au budget, n’apprécie pas du tout la démarche de ce courant qui a la prétention de se substituer au parti. Il a notamment fustigé la dernière sortie du Mogabo dans un hôtel de la capitale, au cours de laquelle le mouvement politique s’est prononcé sur la situation politique du pays.

Mathias Otounga Ossibadjouo estime que la priorité pour les collaborateurs d’Ali Bongo doit être d’aider ce dernier à calmer la fronde sociale sans cesse croissante, gagner le pari de l’unité des Gabonais et non de privilégier l’intérêt supérieur de la nation. Pourtant, les membres du Mogabo ne l’entendent pas de cette oreille. Ils se montrent réfractaires à toute ouverture politique qui amènerait le dictateur gabonais à sacrifier certains d’entre eux pour faire place à d’autres compétences.

CHUTE. En attendant une éventuelle prise de pouvoir, ils font tout pour être maintenus dans la sphère décisionnelle de l’Etat, en récompense des efforts fournis pour la réussite du hold-up électoral perpétré par le pouvoir au soir de l’élection présidentielle remportée par l’opposant Jean Ping. Mais est-il impossible de ménager son camp tout en procédant à l’ouverture nécessaire à gouverner dans le consensus ? Telle est la question que d’aucuns se posent au sein de la majorité présidentielle.

Si personne ne se risque à évoquer ouvertement la succession d’Ali Bongo, la conservation du pouvoir tarabuste le puissant lobby des cadres de la province du Haut-Ogooué, formé par Martin Boguikouma, Ali Akbar Onanga, Hervé Patrick Opiangah, Mathias Otounga Ossibadjo, Marie-Madeleine Mborantsuo, Jean-Pierre Oyiba, Grégoire Kouna, Idriss Ngari, Jean Boniface Assélé, Joséphine Kama, et tutti quanti. Le raïs est de plus en plus épié dans ses faits et gestes d’ouverture politique. Il est confronté à des querelles nombreuses entre les prétendants à sa succession.

Ces courtisans voudraient être présents partout dans l’État, le gouvernement, l’administration, le parti afin de compter et négocier dès maintenant le tournant de la relève. Les collaborateurs d’Ali Bongo dont le parcours est marqué de sang, de sueur et d’épreuves inoubliables se considèrent comme les premiers interlocuteurs et partenaires d’un leader qui peut revendiquer sa liberté et son indépendance certes, mais est appelé à leur reconnaître des droits légitimes que leur confère le putsch électoral planifié, mené et réussi ensemble. Si Ali Bongo est confiné dans ses alliances aujourd’hui, c’est le Mogabo qui risque de le défier et de le déposer demain.

Son histoire avec le PDG est inédite parce qu’il n’y a aucun lien fort ou quasi-fusionnel avec des responsables et surtout des apparatchiks qui ont été de toutes les batailles de son prédécesseur de père adoptif, Omar Bongo pour assouvir son destin présidentiel et voués aussi demain à défendre l’héritage. « Il veut sacrifier beaucoup de ses collaborateurs pour faire place aux opposants afin de gouverner paisiblement. Sa chute peut aussi provenir de là », explique un analyste politique.