Marcia GUIKOMOU
EN cinquante-sept ans d’indépendance, le Gabon n’avait pas connu une période aussi trouble. Il ne se passe pas une seule semaine sans qu’une grève ne se déclenche dans un secteur. Ces grognes à répétition sont la preuve patente de la mauvaise santé du pays.
Le Gabon va mal. Très mal même ! Aucun secteur ne fonctionne normalement depuis le début de la crise post-électorale. Lorsque le gouvernement réussit à éteindre un foyer de tension ici, un autre s’allume là-bas. Et les choses vont de mal en pis. Le pays aborde un virage à grands risques depuis bientôt un an.
Le Gabon risque de basculer dans l’instabilité. Avec le hold-up électoral perpétré par Ali Bongo après sa cuisante défaite à l’élection présidentielle du 27 août dernier, face à l’opposant Jean Ping, la tension ne cesse de monter dans les états-majors politiques et au sein de la société civile, comme en témoignent ces grognes tous azimuts. Les Gabonais ne décolèrent pas depuis les violences post-électorales qui ont coûté la vie à plusieurs centaines de civils.
Cette répression sanglante des manifestants contre le coup d’état électoral a été suivie de plusieurs arrestations arbitraires dans la capitale et en provinces. Ce qui n’est pas de nature à faciliter la réconciliation nationale, nonobstant le simulacre de dialogue convoqué par Ali Bongo. La tension n’a pas baissé, nonobstant l’organisation intempestive de la Coupe d’Afrique des nations pour tenter de divertir les Gabonais et l’opinion internationale.
Au regard de ce décorum, il est patent que le Gabon connaîtra des lendemains difficiles, marqués par un conflit ouvert entre le peuple et l’oligarchie cleptomane en place. Après un septennat des folies dispendieuses, l’euphorie a laissé place à la dure réalité. Le Gabon est devenu un des pays les plus pauvres du monde. L’Etat est à qui a et peine à payer les salaires de ses agents dont le nombre est estimé à 80 000 personnes.
RISQUES DE SOULEVEMENT POPULAIRE. Le règne d’Ali Bongo n’a pas satisfait les attentes de la population au cours de l’année 2016. Son le bilan est calamiteux. En 2017, les Gabonais disent ne rien attendre de lui. Car, il a brisé de nombreux rêves. Tout ce que ces derniers souhaitent est qu’il dégage avec ses piranhas aux dents aiguisées et qui dévorent tout à leur passage.
Le chômage des jeunes a atteint le pic de 31%. Le pays est toujours privé de routes, d’écoles et des hôpitaux. Dans les maternités, de nombreuses parturientes accouchent à même le sol, dans des salles où règne une chaleur étouffante empreinte d’une odeur âcre de salpêtre. Cette situation va crescendo. Car, le pays connaît l’une de ses plus graves crises financières, à cause de la gabegie entretenue par le régime d’Ali Bongo.
Les bailleurs de font plus confiance au cénacle en place à cause de sa cleptomanie. La baisse drastique de la production pétrolière se fait davantage sentir et pourrait annihiler les succès constatés en matière de croissance économique ces dernières années. Confronté à la récession, le gouvernement en place tente d’opérer des coupes franches dans le nouveau budget.
Même l’armée, le seul secteur jusque-là épargné, qui absorbe environ 50% du budget, au détriment des secteurs éducatifs et hospitaliers, pourrait être touchée. D’ailleurs, l’oligarchie a déjà commencé à ‘’bouffer’’ les cotisations mensuelles des forces de sécurité et de défense. Le Trésor public retire mensuellement entre 40 et 50 mille F CFA à chaque policier, gendarme et militaire pour l’assurance vie.
Mais cet argent n’est pas reversé à l’assureur qu’est Nsia Gabon. A l’échéance du 27 avril 2015, la somme non reversée s’élevait à 424. 961.994 F CFA. Cette dette aurait doublé à ce jour. L’argent ponctionnée sert à répondre à d’autres besoins. De fait, la junte au pouvoir fait du saupoudrage pour réduire les risques de soulèvement populaire qui le balayerait. Mais qu’en serait-il lorsque tous les puits d’argent seront asséchés ?
La population subit déjà une inflation galopante, notamment celle des prix des denrées alimentaires, faisant craindre une révolte populaire. En effet, nul n’est fondé à exiger du peuple gabonais qu’il contribue par son attitude digne à préserver la paix civile, pendant que dans le même temps la junte se livre, d’une part impunément à des atteintes à la dignité humaine, à des exactions contre des militants politiques pacifiques et non-violents ; et d’autre part qu’il spolie ce même peuple.