C’est un fait inédit au Gabon. Un jeune homme de 30, Patrick Moundendi, a pris en otages trois employés de MO Sécurité, sous-traitante d’Addax Petroleum. Les faits se sont passés mardi, à la mi-journée à Obangué, à une centaine de kilomètres de Mandji, le chef-lieu du département de Ndolou, dans la province de la Ngounié (sud du Gabon).
Jonas MOULENDA
CE que les responsables d’Addax Petroleum ont d’abord pris à la légère n’est pourtant pas une plaisanterie de mauvais goût. Leur ancien collaborateur, Patrick Moundendi, a pris en otage trois agents de MO Sécurité, une sous-traitante de cette firme pétrolière. Il s’agit de deux hommes et d’une femme. Après la libération au forceps de trois victimes, le forcené a capturé une serveuse de l’entreprise Ornel, sous-traitante de la société Périnco, qui exploite le permis de Coucal.
Depuis lors, il la garde en captivité dans la forêt où il s’est retranché, muni d’un fusil de chasse de type calibre 12 et de nombreuses munitions. À travers son acte téméraire, le jeune Patrick Moundendi voulait protester contre le chômage des jeunes dont il fait partie et l’exploitation sans contrepartie de l’or noir sur ses terres ancestrales. Résolu à aller jusqu’au bout de sa logique, Moundendi a encore fait parler de lui, ce jeudi matin, en braquant un camion de la société Maurel & Prom, qui tentait de se rendre sur un chantier de construction d’un pont sur la rivière Obangué.
Sous la menace d’une arme à feu, le jeune homme a arraché le téléphone portable et des vivres au conducteur du camion, tenu en respect. Après son forfait, l’assaillant s’est évanoui dans la nature, probablement pour aller livrer des victuailles à la jeune femme qu’il garde en captivité. Le preneur d’otages n’a jusque-là réclamé aucune rançon. Ses revendications tournent autour de l’emploi et de la mise en valeur du site Obangué où opèrent des sociétés Total, Pérenco et autres. Dès les premières heures de la prise d’otages, l’auteur de celle-ci a menacé de brûler des champs de pétrole et d’abattre tous ceux qui se dresseront sur chemin. Dès l’annonce de la nouvelle, les autorités politiques et administratives de Ndolou ont tenté d’entrer en contact avec le ravisseur pour entamer des négociations. Depuis Mouila le chef-lieu de la province de la Ngounié où il était en mission, le vice-président du Conseil départemental de Ndolou, Ghislain Claude Ndimina, qui connaît personnellement le jeune homme, l’a joint au téléphone pour tenter de le dissuader, mais il s’est montré intransigeant.
Compte tenu de la gravité de la situation, les autorités gouvernementales ont dépêché un important dispositif sécuritaire à Obangué pour traquer le preneur d’otages et sécuriser les sites pétroliers. Les autorités locales ont, quant à elles, appelé la population à la prudence. Du coup, les paysans qui craignent pour leur sécurité s’abstiennent désormais d’aller en brousse, de peur de subir la furie du preneur d’otages, qui se fait de plus en plus menaçant.
Un habitant du village SIKA, dans le canton Dourembou, a expliqué à la rédaction de Matin d’Afrique que même les villageois qui restaient au campement pour veiller sur leurs récoltes menacées par les éléphants ont été obligés de les déserter un tant soit peu. La même psychose règne sur les différents sites pétroliers, malgré un impressionnant dispositif sécuritaire déployé.
De toute évidence, la capture du forcené ne s’annonce pas une sinécure pour les militaires dépêchés sur le terrain. D’autant plus qu’il connaît très bien la forêt de la région. Il dispose d’un campement derrière le gisement pétrolifère de Coucal, mais il l’a déserté pour ne pas être rattrapé par les gendarmes lancés à ses trousses. La présence de l’otage à ses côtés complexifie la situation. Car, le ravisseur peut s’en servir comme bouclier pour que les soldats munis de fusils d’assaut ne l’abattent pas. Pareil cas peut être réglé via une négociation plus ou moins longue pour ne pas mettre en péril la vie de l’otage. Dans ce schéma, une seule personne apparaît comme un élément essentiel. Il s’agit de sa compagne, avec qui il s’est malheureusement brouillé dernièrement. D’après son entourage, la jeune femme était la seule personne qui arrivait à calmer les colères homériques du jeune homme, présenté comme dépressif à cause d’inextricables difficultés sociales auxquelles il fait face depuis son licenciement d’Addax Petroleum.
LES CRAINTES D’UN CARNAGE. Les autorités locales auront-elles l’intelligence de mettre à contribution une personne intermédiaire, telle que son ex-compagne ? Rien n’est moins sûr. À ce qu’il semble, les responsables du ministère de l’intérieur et du ministère de la Défense excluent tout dialogue avec le preneur d’otages. Pourtant, ce dernier n’entend pas du tout faire une reddition pacifique. Bien au contraire, il a juré la main sur le cœur de faire un véritable carnage et d’incendier les champs de pétrole pour laisser son nom dans les annales de l’histoire.
Ce qui est atypique dans cette prise d’otage c’est l’âge, le modus operandi et le process. Patrick Moundendi a pris des personnes en otages. Lorsque les gendarmes sont arrivés sur le terrain, il a ouvert le feu, blessant grièvement un agent au niveau de la jambe. Aux dernières nouvelles, la victime a été évacuée à Port-Gentil, la capitale économique, pour y subir des soins adaptés. Pendant ce temps, ses collègues continuent de traquer le forcené dans la forêt d’Obangué.