Le 30 août dernier, ce jeune homme de 39 ans a vécu un véritable cauchemar dans une forêt de Moukouna, bourgade située à 100 km de Mandji, le chef-lieu du département de Ndolou, dans la province de la Ngounié (sud.) Son compagnon de chasse, Gervais Koumba Koumba, 32 ans, a été tué par un éléphant. Lui n’a eu sa survie qu’en prenant ses jambes à son coup. Une semaine après le drame, le rescapé en reste pétrifié.
Jonas MOULENDA
RIEN. Ni le soutien de ses proches ni les hobbies ne pourront lui faire oublier de sitôt ce qu’il a vécu le 30 août dernier lors d’une partie de chasse dans une forêt de Moukouna. Une semaine après la mort accidentelle de son compagnon, Gervais Koumba Koumba, Juste Magnourou Bamani reste magané par l’accident de chasse. La nuit, il se lève souvent le visage en sueur, après avoir fait un cauchemar. Il dissimule à peine son affliction.
La mort de son ami est une catastrophe pour lui. Il aurait aimé que ce dernier survive à l’attaque de l’éléphant dans le bois où ils s’étaient rendus pour une partie de chasse. Chaque fois qu’il pense à lui, ses yeux se mouillent de larmes. Il repense régulièrement à la joie qu’ils avaient éprouvée le matin à 6h lorsqu’ils quittaient Moukouna, pour aller chasser du gibier dans les contreforts de cette bourgade.

Les secouristes sur le théâtre du drame.
En découvrant que Gervais a été tué par le pachyderme, il a compris que sa vie ne serait plus la même. Il reste hanté par la pensée de la mort. Il vit son chagrin intérieurement et extérieurement. Sans l’aide d’un psychologue, il tente de dompter la douleur. Il a énormément besoin de présence, de réconfort, d’affection et d’assistance. Au plus fort du spleen et de la déprime, ses amis volent à son secours. Ils apparaissaient comme une grue qui l’attrape par le col et le tire de l’abîme qui tente de s’ouvrir sous ses pieds.
Pourtant, la partie de chasse avait commencé ce jour-là. Juste Magnourou et Gervais Koumba Koumba s’étaient rendus jusqu’à la lisière d’Assendjé, le village voisin. Ils avaient même tué deux singes. C’est sur le chemin de retour que tout a viré au cauchemar. « On retournait à l’endroit où on avait laissé la pirogue. Soudain, nous nous sommes retrouvés nez à nez avec un troupeau d’éléphants. Lorsqu’un petit a barri, le mâle dominant s’est détaché du troupeau pour tenter de foncer sur nous », raconte-t-il, la voix chevrotante, entrecoupée de sanglots.
Le rescapé était la première cible de l’éléphant
Dans un premier temps, explique-t-il, l’éléphant l’a visé. C’est lorsque c’est Gervais Koumba Koumba a crié pour attirer son attention que le pachyderme a changé de cible pour se retourner contre le jeune chasseur, qui portait un fusil de type calibre 12. « Quand Gervais a vu l’éléphant foncer vers moi, il a crié : ‘’attention, il arrive vers toi !» C’est à ce moment que l’animal m’a laissé pour le poursuivre. J’ai couru à toutes jambes pour qu’il ne me rattrape pas », raconte Juste Magnourou Bamani, visiblement commotionné.
En arrivant au village, Juste n’a pas d’abord pensé au pire. Il a cru jusqu’à la dernière minute que son compagnon de chasse avait aussi réussi à se tirer d’affaire et qu’il réapparaîtrait. Son silence s’éternisant, il a compris que Gervais Koumba Koumba y est resté à jamais dans la forêt. Avec un fusil de type calibre 12, le jeune homme ne pouvait pas faire face à l’éléphant en furie. L’animal l’avait finalement envoyé ad pâtres en lui assénant des coups de défense et de pattes.
Son corps amoché a été retrouvé lendemain dans la forêt par la brigade de gendarmerie de Mandji, qui s’est rendue sur les lieux pour procéder au constat. « C’est moi qui allais mourir. C’est parce qu’il a crié pour me signaler le danger que l’éléphant qui me pourchassait déjà l’a découvert. C’est moi que l’animal avait repéré en premier », se désole Juste Magnourou Bamani.

Le corps du jeune Gervais Koumba Koumba tel qu’il a été retrouvé.
Depuis ce jour sombre, il est impossible pour le jeune homme d’apprivoiser les sentiments qui l’ont profondément bouleversé à l’attaque de l’éléphant. Ce drame occupe encore son esprit. Il éprouve des regrets qui l’empêchent de retrouver la sérénité. Des émotions douloureuses resurgissent parfois avec une violence inouïe à la remémoration de cet accident de chasse.
Parfois, il ne résiste pas à la tentation de pleurer. Il garde des séquelles psycho-cognitives de la mort. En butte au stress post-traumatique, Juste Magnourou Bamani est devenu insomniaque. Il revit sans cesse ce qui est une véritable catastrophe. Il fait régulièrement des cauchemars. Il revoit le film du fâcheux incident.
Le temps s’écoule comme dans un rêve, exhumant l’inconcevable et faisant abstraction de toute gaieté. Dans le monde surréel des cauchemars, il réveille souvent pour se retrouver trempé de larmes ravinant sur ses joues. Il réalise qu’il n’a pas des clés pour en sortir de sitôt.