Des voix s’élèvent de plus en plus au sein du Parti démocratique (PDG), au pouvoir, pour dénoncer ce qui y est considéré comme une trahison de la part du directeur de cabinet du dictateur gabonais.
Jonas MOULENDA
Si les hiérarques du Parti démocratique gabonais (PDG), au pouvoir, se sont montrés discrets et disciplinés depuis le scrutin présidentiel du 27 août 2016, ils dansent la gigue pour conserver le pouvoir que l’opposition veut leur ravir. De ce fait, ils ne voient pas d’un bon œil l’activisme de certaines associations affiliées à leur formation politique, qui veulent se supplanter à celle-ci.
C’est le cas de l’Association des jeunes volontaires (AJEV) de Brice Laccruche Alihanga, directeur de cabinet du dictateur Ali Bongo. Après avoir freiné les ardeurs du Mogabo, les responsables du PDG s’attellent acruellement à mettre sous l’éteignoir l’AJEV qu’ils perçoivent comme une menace. Ils accusent le président de cette association, Brice Laccruche Alihanga, de financer des candidats indépendants et des opposants aux législatives afin de faire battre ceux investis par le parti au pouvoir.

Après avoir mis sous l’éteignoir le Mogabo, les hiérarques du PDG en tête desquels le SG Éric Dodo Bounguenza s’attellent à mettre hors d’état de nuire L’AJEV.
Dans quel intérêt le ferait-il ? Les pédégistes esquissent une explication plausible : la chute programmée d’Ali Bongo fait saliver et aiguise les appétits de certains collaborateurs d’Ali Bongo. Ces derniers se voient déjà dauphins du despote. Ils soupçonnent Brice Laccruche Alihanga qu’ils présentent comme un métèque d’avoir des visées présidentialistes, tandis que d’autres pensent qu’il roule pour son ami, Nourredine Bongo, présenté comme futur successeur de son père, et à qui il doit son poste de directeur de cabinet.
La succession dynastique est un schéma tracé par Ali Bongo
Pourtant, ce schéma n’arrange pas du tout les apparatchiks du PDG. Ils estiment que leur heure va bientôt sonner de pendre le pouvoir. Informés de certaines tractations menées en tapinois pour une succession dynastique, d’aucuns font déjà la baboune tombante et s’affrontent à fleurets mouchetés avec le scénariste Brice Laccruche Alihanga. Car, ils s’attendent à la récompense de leurs efforts alors que, lui, a pour préoccupation désormais de donner une parcelle d’autorité aux jeunes susceptibles d’aider son ami Nourredine et lui à prendre le pouvoir.

Les deux jeunes loups, Brice Laccruche Alihanga et son ami Nourredine Bongo, sont soupçonnés de vouloir « bondir » les vieux du PDG pour prendre le pouvoir.
A ce qu’il semble, ce schéma ne gêne pas Ali Bongo, lui qui a déjà aménagé un bureau à la présidence de la République à son fils. Dans les cercles du pouvoir, il se susurre qu’il compte sur un nouvel aéropage politique composé des jeunes venus d’autres bords politiques. Seulement, est-il impossible de ménager son camp tout en procédant à l’ouverture nécessaire à gouverner dans le consensus ?
Telle est la question que la grogne dans la majorité présidentielle soulève, car si les limiers du PDG ne trouvent pas d’inconvénient à toutes les alliances possibles au nom de la real politik, ils s’offusquent de compter de moins en moins dans le schéma de la recomposition politique et de se savoir bientôt marginalisés dans la conduite des affaires du pays. « Il y a des gens fidèles au parti. S’il y a des gens à récompenser, c’est d’abord eux et non des arrivistes », estime un conseiller d’Ali Bongo, visiblement agacé.
Les fidèles piliers du PDG se sentent de plus en plus marginalisés dans la gestion du pays
Si Ali Bongo est souverain dans ses choix et ses décisions, il n’en demeure pas moins que ses compagnons politiques du PEG revendiquent le droit d’être consultés, privilégiés et associés au processus de décision pour espérer être écoutés par la base et respecté des alliés qui lui disputent trop souvent le terrain politique. La formation du gouvernement et d’autres promotions de personnes étrangères au cénacle et jugées parfois hostiles à ses intérêts n’est que le prétexte pour exprimer la frustration et de vieilles rancœurs.

Mais les caciques se montrent vigilants.
Si personne ne se risque à évoquer la succession d’Ali Bongo, la conservation du pouvoir tarabuste le puissant lobby des cadres du PDG. Le raïs est de plus en plus épié dans ses faits et gestes d’ouverture politique. Il est confronté à des querelles nombreuses entre les prétendants à sa succession. Ces courtisans voudraient être présents partout dans l’État, le gouvernement, l’administration, le parti afin de compter et négocier dès maintenant le tournant de la relève.
Mais ils se trouvent frappés d’ostracisme par le directeur de cabinet d’Ali Bongo, qui catapulte ses proches de LlAJEV dans toutes les sphères stratégiques, dans la perspective de la succession d’Ali Bongo. Eux dont le parcours est marqué de sang, de sueur et d’épreuves inoubliables se considèrent comme les premiers interlocuteurs et partenaires d’un leader qui peut revendiquer sa liberté et son indépendance certes, mais est appelé à leur reconnaître des droits légitimes que leur confère le putsch électoral planifié, mené et réussi ENSEMBLE, mais sans l’AJEV.
Ali Bongo accélère le processus de sa décomposition politique
Si le despote est confiné dans ses alliances aujourd’hui, c’est sa majorité qui risque de le défier demain. Son histoire avec le PDG est inédite parce qu’il n’y a aucun lien fort ou quasi-fusionnel avec des responsables et surtout des apparatchiks qui ont été de toutes les batailles de son prédécesseur de père adoptif, Omar Bongo pour assouvir son destin présidentiel et voués aussi demain à défendre l’héritage. « Il veut sacrifier beaucoup de ses collaborateurs pour faire place aux opposants et à des jeunes issus de la société civile afin de gouverner paisiblement », explique un analyste politique.

Tous les faits et gestes de l’AJEV sont désormais scrutés.
Les fonctions de chef de l’État même illégitime lui imposent des devoirs envers tous les Gabonais, lui interdisent de servir des intérêts particuliers. Mais ses compagnons politiques ont un avantage naturel et légitime sur tous les autres, comme celui de revendiquer lorsqu’ils ne sont pas contents et de protester contre des choix transgressifs. Il doit les écouter et parfois les entendre. Entre partenaires, la communication est un impératif : consulter avant de décider, expliquer une fois que la décision a été prise.
Ali Bongo semble tenu de revoir ses relations avec les responsables et militants du parti, frustrés de voir d’autres à leurs places et se sentant marginalisés dans un régime qu’ils ont contribué à maintenir sur ses guibolles contre vents et marées. Il n’est pas aisé pour lui de pratiquer l’ouverture, car les alliances envisagées pourront modifier le rapport de forces au sein de sa famille politique et accélérer son processus de décomposition politique.