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Depuis l’élection présidentielle du 4 août 2017 dernier, l’opposante Diane Rwigara, sa sœur, Anne, et sa mère, Adeline, sont opprimées par le pouvoir de Kigali. Après avoir été assignées à résidence surveillée deux mois durant, elles ont été arrêtées le 4 septembre par la police, avant d’être incarcérées sur la base des motifs fallacieux.

Jonas MOULENDA

LE crime de lèse-majesté de Diane Rwigara aura été l’annonce de sa candidature à la dernière l’élection présidentielle face à Paul Kagamé. Sa sœur, Anne et sa mère, Adeline, qui la soutiennent dans son combat politique, en paient aussi un lourd tribut. Elles sont persécutées au même titre qu’elle.

De fait, le régime de Kigali ne cache pas son acrimonie à l’encontre de Diane Rwigara et de sa famille. Leurs comptes bancaires ont été fermés arbitrairement. Leurs téléphones et leurs ordinateurs ont été également confisqués par la police aux ordres de Paul Kagamé, qui ne supporte pas un son de cloche discordant dans son pays.

Après une perquisition de son domicile, le 29 août dernier, cinq membres de la famille de Diane Rwigara ont été embarqués manu militari par la police pour quinze heures d’interrogatoire sans avocat. Ils ont été ensuite ramenés chez eux au petit matin le lendemain. Il s’agit d’Anne, qui gère les affaires familiales, ainsi que deux de ses frères et sa mère Adeline.

L’opposante Diane Rwigara risque gros. (Photo: DR)

Cette dernière est l’une des rares femmes au Rwanda à critiquer ouvertement le régime dictatorial de Paul Kagamé depuis la mort de son mari, l’homme d’affaires Assinapol Rwigara, dans des circonstances troubles en 2015.

Appelée après un accident de la route subi par son mari, elle s’est vue refuser le droit d’emmener le blessé à l’hôpital. Les policiers ont embarqué le blessé dans leur véhicule pour l’emmener directement à la morgue, où le médecin légiste a constaté un décès par blessures faites à l’aide des objets contondants dans la nuque.

RÉSIDENCE SURVEILLÉE. Pourquoi Paul Kagamé voue-t-il une haine viscérale à la famille Rwigara ? La question taraude les esprits au Rwanda et au-delà. Dans certains milieux à Kigali, il se susurre que le despote rwandais craint Diane Rwigara parce qu’elle est issue d’une famille aisée, à même de l’inquiéter sérieusement. C’est pourquoi, conclut-on, il a blackboulé la jeune opposante de la course présidentielle.

Pour la mettre définitivement hors d’état de nuire, il a décidé de l’incarcérer avec toute sa famille qui la soutient. C’est ainsi que Diane, sa sœur qui gère les deux usines de la famille, aujourd’hui fermées pour accusation de fraude fiscale, est également poursuivie par la justice rwandaise. Le fisc aurait demandé à la famille la somme de 6 millions de dollars, entre le moment où Diane Rwigara a annoncé sa candidature, le 3 mai dernier, et celui où elle a déposé les listes de personnes la soutenant, début juillet.

Son dossier a été rejeté pour cause de signatures « invalides », après qu’elle eut présenté plus de 1 000 signatures, au lieu des 600 demandées par la commission électorale. Lors de la création de son mouvement le 14 juillet, Diane Rwigara a contesté les accusations de faux dont elle fait l’objet sur ces signatures, affirmant être prête à en répondre en justice.

Le 4 septembre dernier, le régime de Paul Kagamé a donc décidé de passer à la vitesse supérieure en arrêtant la jeune opposante. Une vidéo publiée sur la toile montre Diane Rwigara vitupérant des policiers qui ont fait irruption à son domicile de Kigali. « Comment voulez-vous qu’on aille à la police, alors que vous nous avez enfermés ici ? », s’emporte-t-elle en langue vernaculaire.

On était sans nouvelles de Diane Rwigara depuis le 29 août. Sa disparition alimentait les conversations à Kigali et à l’étranger. Les uns soutenaient qu’elle était en détention, tandis les autres estimaient qu’elle était recluse chez elle. En réalité, l’opposante au régime de Kagamé était assignée à résidence surveillée après son exclusion de l’élection présidentielle.

ONDE DE CHOC. La garde présidentielle, un corps d’élite chargée de la protection du despote rwandais, a investi le domicile de la famille Rwigara. Toute chose qui a fait dire aux observateurs de la scène politique rwandaise qu’il s’agit d’une manœuvre orchestrée par le dictateur rwandais.

D’où l’explosion de sa colère à la vue des agents dépêchés pour l’arrêter à son domicile. « Vous êtes des voleurs ! Ne mentez plus aux journalistes. Dites-leur que vous nous aviez enfermés ici… Vous persécutez ma famille uniquement parce que j’étais candidate à la présidentielle », a renchéri Diane Rwigara, visiblement exaspérée.

« Laissez-moi parler. Mettez-moi les menottes, j’ai l’habitude, ça fait une semaine que je suis menottée avec mes enfants. Mon enfant s’est portée candidate comme une Rwandaise mais dans ce pays personne ne dispose de la liberté. Du coup, vous nous avez inventé des taxes qui n’ont jamais existé. Les menottes, j’ai déjà l’habitude. Vous êtes des démons ! », a renchéri sa mère Adeline.

Et de renchérir : « Des Interahamwe d’un degré supérieur, on ne sait pas d’où vous venez, vous mentez seulement, vous mentez au monde entier. C’est vous qui avez amené les journalistes, alors laissez nous parler. Pourquoi les avez-vous amenés, preuve que vous êtes bêtes ! Vous croyez qu’ils sont des tueurs comme vous ? État de tueurs, depuis le temps, vous n’êtes que des Interahamwe. Ca fait une semaine que nous sommes ligotés et gardés par la garde présidentielle. Vous nous avez pillés, vous avez vandalisé la maison, éventré le plafond, tout est à terre. Vous avez enfoncé les portes, pris tout l’argent, laissez-moi, foutez-moi la paix, tueurs ! »

Après l’arrestation de Diane Rwigara, la justice rwandaise, instrumentalisée par Paul Kagamé, poursuit désormais la jeune opposante pour appel à l’insurrection. Un motif qui lui a valu une détention préventive à la prison centrale de Kigali, en attendant son jugement. Son incarcération a provoqué une véritable onde de choc sur la toile, les internautes dénonçant une dictature féroce au Rwanda.